Pages glacées

Et si on renouait avec une tradition journalistique ancienne ?

Si on conjugait pour rire, internet et feuilleton, dont chaque épisode se termine par "Aaah ! Mon Dieu !", "Non, pas ça !", "Toi ? Aaargh !"
C’est l’idée pour 2011 : un roman policier palpitant, dans le monde de la presse avec meurtre ignominieux.
Voici donc Pages Glacées pour les lecteurs du Monde comme il va : luxe, ragots et cruauté.
Trois fois par semaine.

  • 1 Le mystère de la clef rose

    Mon vrai nom, c’est Béatrice Berg, surnommée Bébé dans le milieu du journalisme où l’on m’a connue toute petite. En fait, je suis restée toute petite et c’est même pour ça que j’ai trouvé, au fond d’un bloc tiroirs à roulettes, une clef USB coincée entre un dévidoir de Scotch et des notes de frais jamais remplies. Non, je ne suis pas petite au point de dormir dans les tiroirs mais c’est moins fatigant pour me pencher que ceux et celles qui ont de grandes carcasses à plier en huit.
    En emménageant (...)

  • 2 Le cul majuscule

    Je m’installai tranquillement dans mon bureau provisoire, à l’abri des regards obliques et cliquait sur la clef curieusement nommée Pages Glacées. Une page de garde apparut, cela ressemblait à un manuscrit.
    PAGES GLACEES par Sophie Mac
    Toute ressemblance avec des personnages réels… n’est PAS fortuite, bien sûr, sinon, ce ne serait pas drôle.
    Saut de page et début du texte :
    Louis Lannois sortit du taxi garé en double file. Son habit vert dissimulé sous un manteau de cachemire, il se sentait (...)

  • 3 Du sang sur la guipure

    Il s’éloigna de la porte et se mit en devoir de faire les cent pas dans la pièce encombrée. Nul bruit ne parvenait de la chambre. Elle boudait ? Faisait la petite fille ? Il n’était pas d’humeur à ces gamineries et alla se chercher un verre d’eau à la cuisine.
    Pourtant, il le savait bien, à ce petit jeu, elle gagnait toujours : elle l’attendait, l’œil mutin, les mains occupées à jouer avec ses bijoux, posée sur la courtepointe de satin comme une poupée gitane au milieu de ses volants de dentelles (...)

  • 4 Que de l’amour !

    De la direction parvint le message attendu : “N’oubliez pas que, malgré cet évènement tragique, le magazine doit être bouclé normalement”. C’était clair et concis, sans excès de sanglots.
    Marie-Caroline, la directrice de la rédaction, n’avait jamais apprécié Lucile dont elle avait essayé de se débarrasser à maintes reprises. Elle lui avait été imposée par Saunders lui-même qui avait apparemment on-ne-savait-quelle-dette à l’égard de Lannois et toutes ses tentatives s’étaient soldées par un coup de fil exaspéré (...)

  • 5 La succession est ouverte

    Il était onze heures quand Alex arriva. Le calme était revenu dans la salle de rédaction où étaient regroupées les rubriques d’“art de vivre” des différents titres du groupe. Saunders s’était taillé la part du lion dans la presse magazine et professionnelle où il avait imposé les pages shopping qui rapportaient beaucoup de pub, donc beaucoup d’argent. Toute la profession avait commencé par froncer le nez de dégoût mais, devant le succès, tous finissaient par y venir.
    Deux petites pièces tout au bout (...)

  • 6 Le trône du calife

    Jeanne Riguidel était connue dans le milieu autant pour son professionnalisme que pour son physique très breton. Elle arborait cette coiffure typique des filles du vent, une sorte d’adaptation pour femme de la brosse masculine qui fait la nuque et les oreilles bien dégagées. Mais la mèche un peu longue devant pour traduire un je-ne-sais-quoi de féminin. On y devinait le passage de la tondeuse sur son occiput comme chez les petits garçons qui font leur première communion. Couleur acajou droit sorti (...)

  • 7 Bienvenu au sérail !

    L’inspecteur fit un vague signe de tête, surpris et gêné de se trouver au milieu de toutes ces femmes.
    Au premier rang, il remarqua Marie Bouillot, le nez rouge enfoncé dans un kleenex, se fit la réflexion qu’elle avait une tête de figurante du cinéma muet, un physique improbable à la Pauline Carton qui avait perdu sa place avec l’arrivée du Technicolor. Ginette l’étonna aussi avec ses petites mains blanches et impeccablement manucurées qui tremblaient violemment en voletant au dessus de son bureau, à (...)

  • 8 Un peu d’air pur

    Marie Bouillot ne dit rien mais pinça ostensiblement les lèvres. Elle désapprouvait l’attitude de sa jeune consœur et voulait que cela se sache. Beaudoin manqua d’air brusquement : entre la haine palpable et la fumée de Gauloise qui s’accumulait sous le plafond bas.
    Il regrettait le beau bureau directorial de Marie-Caroline Machin où il avait laissé son chef. Pour se donner une contenance, il demanda à voir les autres personnes qui travaillaient à l’étage et qui connaissaient bien Lucile Delarue. (...)

  • 9 Et deux œufs-mayo, deux !

    Beaudoin retrouva son chef au Biarritz qui commençait à se remplir d’employés des bureaux voisins. Le rendez-vous avec Marie-Caroline, directrice de la publication, avait laissé ce dernier un peu songeur aussi.
    Ils s’installèrent, commandèrent des œufs-mayo à un garçon à l’accent parisien en voie de disparition :
    “Il ressort des déclarations de Marie-Caroline qu’elle évitait Lucile Delarue autant que faire se peut et qu’elle avait engagé Jeanne Riguidel pour ne plus supporter Lucile aux conférences de (...)

  • 10 Et si on parlait d’amour ?

    Louis Lannois habitait avenue de Ségur, un grand appartement clair qui semblait inhabité. Il y régnait cette fade odeur de poussière, infiltrée partout, y compris sous les papiers peints prêts à se décoller et dans la vieille moquette usée, sans âge et sans couleur. Un appartement de vieux.
    Il les emmena dans son bureau, une pièce aux murs entièrement couverts de rayonnages et de classeurs pour dossiers suspendus. Des cartons s’entassaient sur le sol . C’était ici que l’académicien travaillait et (...)

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