1 Le mystère de la clef rose

26 janvier 2011

Mon vrai nom, c’est Béatrice Berg, surnommée Bébé dans le milieu du journalisme où l’on m’a connue toute petite. En fait, je suis restée toute petite et c’est même pour ça que j’ai trouvé, au fond d’un bloc tiroirs à roulettes, une clef USB coincée entre un dévidoir de Scotch et des notes de frais jamais remplies. Non, je ne suis pas petite au point de dormir dans les tiroirs mais c’est moins fatigant pour me pencher que ceux et celles qui ont de grandes carcasses à plier en huit.

En emménageant -"provisoirement bien sûr Bébé, on va te trouver une place avec les autres"- dans le bureau de l’ancien rédacteur-en-chef technique, j’ai récupéré ce bloc échoué dans un recoin à côté de la photocopieuse. Tout le monde y posait ses photocops ratées, trop grandes, pas centrées ou inutiles parce que la machine était restée malencontreusement programmée pour 200 copies. Quand j’ai demandé si je pouvais la prendre, j’ai eu droit à un haussement d’épaules, genre « si ça t’amuse ».

Apparemment personne n’y avait touché depuis le départ de son ancienne propriétaire qui avait tout laissé en vrac, des crayons, des stylos, des justifs de taxi, des Post-its et des bouts d’enveloppes avec des numéros de téléphone sans nom. Dans le tiroir le plus bas, il y avait une collection de soins pour cheveux Pantène, des eaux de toilette Paco Rabanne, des sachets de poudre à la vanille pour faire un délicieux substitut de repas et des barres protéinées. Je jetai tout à la corbeille sauf la clef USB, rose fuchsia, en forme de goutte.

Le lendemain, je passai le nez à la documentation, un lieu toujours stratégique dans les rédactions car les journalistes viennent s’y poser, sous prétexte de chercher un renseignement et s’y lâche sans y prendre garde. Je demandai :
“C’était qui, votre voisine, celle à qui appartenait les tiroirs à roulettes ?”
L’une des deux filles me jeta un regard inquisiteur et répondit :
Mac.”
“Mac ? Comme McCormick ou macramé ?”
Elle me regarda en face pour la première fois et se détendit d’un coup.

“Oui, Mac, on l’appelait comme ça. Son vrai nom c’était Sophie Macquard.”
“Elle est partie ?”
“On peut dire ça. Elle a été virée”.
“ Tu veux dire que ce bloc tiroirs est maudit ?”
Elle se mit à rire :
“Oui, un peu de vaudou, ce serait bien son genre”.
“Comme malédiction, j’ai trouvé des parfums qui puent et des shampoings contre les pellicules.”
“ Ce qui est sans doute pire...”

Je n’en appris pas plus sur Sophie Macquard. Personne ne voulait en parler. Les journalistes encore moins que les autres. A la maquette, quelqu’un me souffla :
“Normal, ils ont tous honte de l’avoir laissée tomber. Mais honnêtement, il n’y avait sans doute pas grand-chose à faire.”
“ Ah bon ?”
“Oui, elle était très perso. Genre incontrôlable. Le concept même de « contrôle » la révoltait, alors ici, tu penses… Elle est mieux dehors.”

Et je me décidai à voir ce qu’il y avait sur la clef rose.

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