9 Et deux œufs-mayo, deux !

12 février 2011

Beaudoin retrouva son chef au Biarritz qui commençait à se remplir d’employés des bureaux voisins. Le rendez-vous avec Marie-Caroline, directrice de la publication, avait laissé ce dernier un peu songeur aussi.

Ils s’installèrent, commandèrent des œufs-mayo à un garçon à l’accent parisien en voie de disparition :
“Il ressort des déclarations de Marie-Caroline qu’elle évitait Lucile Delarue autant que faire se peut et qu’elle avait engagé Jeanne Riguidel pour ne plus supporter Lucile aux conférences de rédaction. J’ai demandé pourquoi et la réponse a été floue. Peut-être parce que le crime est tout neuf encore. Une sorte de pudeur qui ne devrait pas tenir longtemps. J’ai cru deviner que Lucile était haïe et que, professionnellement, elle était loin d’être au point. Mais rien n’a été dit. C’était très chic, au milieu des gerbes de fleurs et des appels d’un directeur de cabinet. Etouffant quoi ! Et toi ?”

“Moins chic mais très surprenant. Il y a là-bas des femmes qui se détestent tout en s’appelant "chérie" ! Le seul homme est en voyage, à Hong-Kong ou à Singapour, c’est le rédacteur en chef, un Pierre-Yves Gayot qui ne s’occupe jamais de ces pages. On ne l’y voit jamais et ça se comprend. Je n’ai pas saisi toutes les finesses des scènes dont j’ai été témoin mais il est sûr que la mort de Lucile ne bouleverse personne. C’est surtout l’occasion de se remémorer des histoires qui les font pleurer de rire. Des rires bien gras pour ces femmes en talons aiguiiles. Et puis on sent de vagues menaces...”
“Des menaces ?”
“Des menaces de renvois. Genre “si elle n’est pas gentille, elle sera chassée du paradis”.”
“Qui ça ?”
“ Une journaliste dont je n’ai compris ni le nom, ni le statut. Elle est partie à mon arrivée mais j’ai le droit de lui téléphoner.”
“Trop aimable. Toutes des stars, dirait-on !”
“ Je ne suis pas sûr. Elle avait l’air d’étouffer et a saisi la première occasion de partir mais je ne crois pas qu’elle se défile.”
“On verra ! On se dépêche, le veuf nous attend et je n’aime pas trop ces histoires d’Académie et de papier glacé. Tu vas m’être très utile : je ne suis pas parisien depuis assez longtemps pour comprendre cette prétention et ces embrouilles. Pour moi, une seule question se pose : pourquoi, si tout le monde détestait cette femme et qu’elle était mauvaise journaliste, pourquoi ne pas la foutre dehors ?”

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