7 Bienvenu au sérail !

9 février 2011

L’inspecteur fit un vague signe de tête, surpris et gêné de se trouver au milieu de toutes ces femmes.

Au premier rang, il remarqua Marie Bouillot, le nez rouge enfoncé dans un kleenex, se fit la réflexion qu’elle avait une tête de figurante du cinéma muet, un physique improbable à la Pauline Carton qui avait perdu sa place avec l’arrivée du Technicolor. Ginette l’étonna aussi avec ses petites mains blanches et impeccablement manucurées qui tremblaient violemment en voletant au dessus de son bureau, à la recherche de notes hypothétiques. Il aurait aimé qu’elle les pose ou qu’elle les mette dans ses poches tant elle semblait malheureuse.

Jeanne pointa Alex du menton :
“Vous voyez, Monsieur l’Inspecteur, voici le bureau de notre Lucile. Alex s’y est installée à ce que je vois...”

Le sous-entendu était clair et il attendit la réaction de celle qui lui tournait encore le dos et dont il ne voyait que la masse de cheveux. Le fauteuil tourna lentement et d’une voix amusée, Alex le salua :
“Bonjour ! Bienvenu au sérail !”
Puis elle se leva en souriant et tendit le siège à Jeanne :
“Jeanne, vous venez relire, j’imagine ?”

Beaudoin ne comprit pas tout ce qui se passait mais se dit que ses relations avec ses collègues policiers étaient peut-être plus paisibles que celles-ci. Debout, Alex dépassait tout le monde d’une tête, sauf lui. Sa façon de déplier ses jambes et de se redresser exprimait une sorte de jubilation tranquille. Elle le regarda gentiment :

“En ce qui me concerne, je ne suis que rarement ici. Si vous avez besoin de moi, Ginette vous donnera mon téléphone. J’ai un répondeur.”
Elle avait l’air de lui accorder une faveur et au lieu de s’en offusquer, il ne trouva qu’à articuler :
“Vous partez ?”
“Oui, bien sûr ! Maintenant que tous les chefs sont là, je n’ai plus rien à faire. Je n’étais venue que pour donner un coup de main à Ginette.”
“Mais vous ne travaillez pas ici ?”
“Pas vraiment.”
Ginette et Jeanne poussèrent un double glapissement choqué :
“Mais si Alex, tu sais parfaitement que tu travailles ici !”

Elle haussa les épaules :
“Simple pigiste. Voyez-vous, Monsieur, je ne suis qu’une plume mercenaire et quand je n’ai pas de papier à rendre, je n’ai rien à faire ici. Je suis journaliste “au” magazine mais pas “du” magazine. La nuance peut paraître négligeable mais elle ne l’est pas. Bonne relecture !”

Il vit la chevelure tournoyer et elle disparut. L’assistance était médusée. Seule, Claudine, la secrétaire, s’amusait franchement. Jusque là, il ne lui avait pas prêté attention mais l’étincelle qui brillait dans les prunelles l’intéressa au plus haut point. Elle n’avait pas l’air de croire plus que les autres à l’humilité d’Alex mais elle approuvait sans réserve la désinvolture du départ.
“Elle exagère quand même,” souffla Ginette.
“Elle se croit vraiment tout permis mais elle pourrait avoir de gros ennuis !” ajouta Jeanne apparemment furieuse.

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