Les feuilles mortes se ramassent...

6 juin 2011

Quand il sortit du journal, la pluie continuait à strier les façades mal entretenues. Il s’achemina sans y penser vers les jardins du Palais-Royal, il était d’humeur flâneuse tant avait été violent son soulagement de savoir Alex en bonne santé. Il avait envie de l’appeler mais il ne savait pas quelle raison trouver. Il ne pouvait lui expliquer les dessous de l’affaire Saunders même si elle avait dû en deviner la plupart. Il lui était difficile aussi de laisser un message sur son répondeur pour s’enquérir de la santé de ses parents. La raillerie de Vogel sur le danger de tomber amoureux, "deuxième écueil de la profession" ne quittait guère son esprit. Il n’était pas amoureux, c’était sûr, disons intrigué. En fait, il lui suffirait de la voir en pantoufles, mal réveillée devant un bol de thé, enrhumée même pour que le charme se dissipe. Le papier glacé lui montait à la tête à lui aussi.

Sur le sol détrempé des allées, les feuilles en forme de cœur des tilleuls étaient salies de boue.Il avait toujours beaucoup de mal à supporter l’arrivée des mauvais jours et ce qui l’attendait était encore pire : Vogel lui avait annoncé qu’ils allaient devoir faire un tour dans le Perche pour voir si, de ce côté, il n’y avait rien à déterrer. L’idée de la campagne en automne réjouissait son patron autant qu’elle le déprimait. L’un rêvait d’odeur de champignons dans les sous-bois et de châtaignes, l’autre sentait l’humidité le percer jusqu’aux os.

L’autre nouvelle avait été le compte-rendu du pharmacien après l’inventaire de la salle de bain Lannois. Apparemment, il n’avait jamais vu une telle collection de médicaments.
“J’ai trouvé une liasse d’ordonnances de tous horizons, d’un herboriste de Chateaudun à tous les grands patrons des hôpitaux parisiens en passant par des médecins de quartiers qu’elle devait aller voir en dépannage. Impossible de savoir ce dont elle souffrait véritablement sinon peut-être de problèmes circulatoires. Mais il est très difficile de juger de ce qui était essentiel à sa santé dans ce fatras : il m’a fallu une patience de bénédictin pour remettre un nom sur tous les cachets qui trainaient et je comprends que la petite Martinet ait tout mélangé. Je crois qu’elle a dû donner à Lannois des gélules pour couper la faim. On en prend trois ou quatre avec beaucoup d’eau une heure avant le repas et cela gonfle dans l’estomac. C’était une des obsessions majeures de la dame d’ailleurs. Elle avait des laxatifs à ne savoir qu’en faire, des confitures de tamarinier, des gelées à la paraffine, de l’huile de je-ne-sais-quoi, il ne devait pas lui rester beaucoup de temps pour travailler !”

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