TOURISME

Fakarava victime de son succès

16 septembre 2020

Samedi 12 septembre, Arte proposait un reportage magnifique sur un atoll enchanteur de Polynésie où les mérous viennent pondre par milliers et où les requins viennent aussi pour les croquer ! Cruel mais somptueux sauf que…

Superbe documentaire de Luc Marescot et Laurent Ballesta sur l’atoll de Fakarava : 18 000 mérous s’y retrouvent pour une nuit orgiaque, celle de la pleine lune de juin.

Mythe ou réalité

Tout d’abord, il a fallu vérifier ce qui apparaissait comme une tradition locale : les femelles mérous venaient-elles vraiment dans la passe sud où le courant existe mais n’est pas trop violent en cette nuit-là ? Réponse "oui". Et comme on le raconte, les requins qui rodent toujours dans le secteur arrivent en masse. Trois "murs" en rangs serrés comme une armée romaine.

Au plus près des mâchoires

On suit le travail des chercheurs, celui qui pose à mains nues des puces électroniques sous la peau des squales attrapés au lasso par la queue et hissés dans une sorte de berceau le long de la coque du bateau. Ceux qui enregistrent les bruits d’un monde du silence pas si silencieux. Ceux qui mettent au point une arche avec 32 caméras pour voir les déplacements des requins en 3D et tenter de comprendre comment cette horde affamée se déplace et traque les proies. Vont-ils par binômes ? Y-a-t-il quelque chose comme de l’entraide ?

Mens sana…

Les plongeurs travaillent de nuit, surveillant sans relâche les terribles requins gris parfois précédés des requins pointes blanches plus agiles pour débusquer les poissons dans les coraux
Toutes les tâches remplies par cette équipe internationale, des Belges, un Grec, un Américain et les Français du CRIOBE [1] demandent à la fois compétences scientifiques remarquables et forme physique hors normes ! On les voit plonger toutes les nuits et s’écrouler dans la journée… Un immense bravo !

Fakarava en danger

Mais un autre son de cloche découvert dans un ouvrage scientifique modifie quelque peu ce que l’on a vu. Il rappelle que dans la passe sud de Fakarava qui n’est “fréquentable qu’à certaines heures du fait de son régime de courant”, il y a parfois un “véritable encombrement de plongeurs qui vont jusqu’à se heurter les uns aux autres. Ceux-ci sont amenés par des clubs de plongée installés à terre mais aussi par des navires de croisière-plongée spécialisés et par des yachts privés. Cette surfréquentation occasionnelle de la passe … laisse craindre à certains professionnels que la faune pélagique, excessivement stressée, ne parte ailleurs…” [2].
Remarquons qu’avec la crise actuelle, le tourisme est au plus bas, ce qui est une bénédiction pour la faune. Et remarquons aussi comme ce type de développement basé sur les Zodiac qui sillonnent la passe et les plongeurs venus du monde entier sans aucune concertation avec la population est fragile ! Cela mérite sans doute réflexion.

[1Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement, une unité de recherche et de services du CNRS qui associe des enseignants-chercheurs, des chercheurs et des personnels administratifs et techniques basée à Moorea

[2Tamatoa Bambridge, François Gaulme, Christian Montet & Thierry Paulais, Communs et océan. La rahui en Polynésie, Papeete, Au vent des îles, 2019, p.160-161

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