Aragorn, où es-tu ?

22 mars 2020

L’autre soir, nous avons pu voir Green Book : sur les routes du sud, un film dont on a raté la sortie à cause des gilets jaunes, des black blocs et de la lassitude terrible induite par ces week-ends de plus en plus tristes et violents. Green Book de Peter Farrelly [1] avec Mahershala Ali et Viggo Mortensen, plus sexy, exotique et énigmatique tu meurs !

Le guide vert

Le thème est bien sûr la ségrégation qui existait encore en 1962 dans les états du sud pour lesquels avait été rédigé le Green Book, une sorte de Guide du Routard pour les Noirs. Ici on accepte les Noirs, le souligne la petite pancarte affichée sur des bouibouis innommables, des motels lugubres. Mahershala Ali est Don Shirley, un pianiste virtuose que l’on s’arrache pour des soirées huppées, y compris au sud de la Mason-Dixon line [2].

Question de toilettes

Il est reçu par ce qui se fait de plus chic, dans de magnifiques plantations à colonnes blanches comme dans Autant en emporte le vent. Il y est ovationné comme le pianiste magnifique qu’il est, mais lorsqu’il vaut aller aux toilettes, le regard change et on se souvient qu’il n’est qu’un Noir et qu’il n’a pas le droit de se servir des toilettes pour Blancs : on lui indique la cabane au fond du jardin. Cela rappelle le roman de Kathryn Stockett, The Help, titre étrangement traduit en français par La couleur des Sentiments où la question des toilettes est plus centrale qu’on ne l’imaginerait a priori ! Et cela se passe en 1962 aussi, à Jackson (Mississippi).

Aragorn ou Tony la Tchatche

Le road-movie commence dans le Midwest avant d’arriver dans le sud, dans le Kentucky, en Caroline du Nord, en Arkansas, en Louisiane et à Birmingham (Alabama) où Don Shirley, en habit à queue de pie, n’a pas le droit de diner avec son chauffeur et ses musiciens dans le restaurant du country-club.
1962 n’est pas si loin quand on pense aux frères Kennedy, mais les choses ont, Dieu merci, bien changé, surtout lorsque l’on note que, aujourd’hui, Mahershala Ali n’a pas été rebaptisé d’autorité Bill, Bob ou Fred ! En face de sa magnifique silhouette de figure de mode, hiératique, raffiné, il y a Tony “Lip” Vallelonga [3], le videur italo-américain du Bronx, joué par le beau Viggo et là ! Vingt kilos en trop, un gros bras dans des boites de mafieux qui s’empiffre de junk food en permanence.

Improbable amitié

Où es le sexy roi Aragorn du Seigneur des Anneaux que j’ai rencontré à Wellington (NZ) et qui est arrivé à la conférence de presse en bermuda et pieds nus comme le font les Kiwis [4]. Il était en plein trip maori, écrivait de la poésie et était beau, mais beau ! Ici il est bouffi, blême et porteur de tous les préjugés des petits Blancs. Il parle à Don Shirley des "gens comme vous" et ce dernier lui reproche son élocution et son vocabulaire vulgaires. Et bien sûr au fil des concerts, des mésaventures, ils deviendront des amis pour la vie, comme dans la vraie vie puisque l’histoire est vraie et si belle !

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