74 Un peu de douceur...

4 août 2011

“J’ai eu des petits problèmes avec la justice. Dans une banque. Rien de grave mais il vaut mieux que cela reste dans l’ombre surtout avec les gens que je suis amené à fréquenter pour le journal,” finit par souffler Balinaud.
Vogel fit un signe d’assentiment vague, comme s’il était au courant et après avoir rappelé à Balinaud qu’il devait rester dans les parages, il le laissa partir avec un soulagement évident. Puis s’adressant à Beaudoin, il conclut :
“La journée a été longue, non ? Il faut digérer tout cela. De plus je dois recevoir un dossier sur les activités économiques occultes de M. Balinaud alors rien ne presse. Si j’ai un conseil à vous donner, vous devriez vous reposer, vous avez une mine de déterré. Ou alors, allez au cinéma voir un film drôle. J’ai cru que vous alliez tourner de l’œil tout à l’heure. Cette enquête ne vous vaut rien.”

Quand Beaudoin sortit du quai des Orfèvres, la nuit était presque tombée. Le vent qui soufflait sur la Seine boueuse levait de courtes vagues hachées. Quelques bateaux-mouches promenaient des touristes transis qui filmaient au camescope les façades historiques éclairées par les projecteurs. Il remonta le boulevard du Palais pour arriver au marché au Fleurs. Les étals étaient presque tous cachés par des rideaux de fer ou des palissades, sauf un, tous au bout, à l’angle du pont d’Arcole. La propriétaire le héla avec un accent qu’il ne put situer.
“Une rose des neiges avant de rentrer à la maison ?”
Il haussa les épaules.

“Non ? Elle préfère les bulbes peut-être ?”
“Oui, elle préfère les bulbes,” finit-il par répondre, vaincu par tant de bonne humeur.
“Un amaryllis rouge sombre, cela lui plairait. J’en ai qui seront parfaits pour Noël.”
“On offre des amaryllis pour Noël au Canada ?”
La marchande partit d’un grand éclat de rire, les joues rougies par le froid et le vent.
“Vous n’avez pas deviné. Je suis galloise et si mon amaryllis ne vous porte pas bonheur, rapportez-le moi.”

Ce n’est que lorsqu’il se retrouva dans le métro en direction du 9ème où il habitait, un pot rongé de moisissure emballé dans du journal sur les genoux qu’il se rendit compte de sa sottise. Il retournait chez lui et là, personne n’aimait les bulbes. Il pouvait aussi bien le laisser sur la banquette de ce wagon, cela changerait des tags. Quelqu’un le trouverait et l’emporterait. Il s’inventait un conte de Noël mièvre pour oublier que Alex était chez elle, près d’un feu de bois certainement. Son mari se devait de lui faire des feux de bois. Non, il était trop con. Il l’avait et ne se rendait même pas compte de ce que cela signifiait. Il l’avait à lui, comme un connard de propriétaire. Et s’il lui téléphonait ? Non, il était trop tard. Elle faisait des crêpes aux enfants. Dans son esprit, elle passait son temps les mains dans la farine quand elle n’était pas avec lui.

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