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38 Rendez-vous à la fontaine
20 avril 2011
“Bonjour, vous êtes bien chez moi. Pas moi, dommage ! Laissez un message après le Bip et je vous rappelle”
“ Ici l’inspecteur Beaudoin, pourriez-vous rappeler mon bureau...”
“Allo ? Je suis là mais je filtre ! Comment allez-vous ?”
_Il eut l’impression curieuse qu’Alex Lombard avait totalement oublié qu’il était de la police. Ou alors elle considérait que c’était un détail.
“Puis-je vous voir aujourd’hui ?”
“Mais c’est samedi, vous rêvez ! Mon mari rentre de voyage ce soir et j’ai promis des crêpes aux enfants. Vous ne prenez jamais de week-end ?”
“Ecoutez, ce n’est pas pour mon plaisir...”
Elle éclata de rire et il résista à l’impulsion de présenter ses excuses pour goujaterie.
“Si le devoir vous appelle auprès de moi, que dire ? Vous ne voulez quand même pas que je retourne m’enfermer dans vos bureaux sordides par cette sublime après-midi d’automne.”
“C’est comme vous voulez. Je peux passer chez vous.”
Elle sembla hésiter un moment et déclara d’un ton sans réplique.
“Je ne tiens pas à mêler mes enfants à cette histoire. On se retrouve devant la fontaine de Carpeaux quand vous voulez.”
“Dans un quart d’heure, vous aurez fait vos crêpes ?”
“Ne plaisantez pas. La pâte tout juste ! Vous me reconnaitrez facilement, j’aurai ma coiffe de Bigouden.”
Et elle raccrocha.
Si elle était la mystérieuse visiteuse de Louis Lannois, elle était d’un flegme rare, se dit-il. Vogel n’y croyait pas non plus mais lui avait demandé d’aller à la pêche aux infos de ce côté.
“D’abord, elle habite à cinq minutes des deux victimes. Ensuite, son attitude est bizarre : elle a une altercation violente avec Delarue qui se solde par un échec et elle est au bureau le lendemain, un sourire de Joconde aux lèvres. Depuis elle plane. Qui nous dit que ce n’est pas elle la maitresse de Lannois ? Votre Laetitia de Machin n’a-t-elle pas parlé des décolletées de sa copine Alex où se perdait notre académicien ?”
“J’ai du mal à imaginer la scène.”
“Moi aussi,” avait admis Vogel. “Mais par haine pure pour Lucile Delarue, pourquoi pas ? Les femmes sont capables de choses extravagantes. Et puis elle n’a peut-être fait que des promesses.”
Elle était assise aux bords de la fontaine des Continents, l’air interrogateur, ne sachant que penser d’un rendez-vous qui n’était pas exactement une convocation, ni une invitation. Elle s’était changée avant de descendre, ôtant sa mini-jupe noire jugée trop sexy pour enfiler un blue-jean. Elle avait achevé la banalisation de sa tenue en s’enveloppant dans un pull sans forme. Elle pourrait écrire un ouvrage sur le sujet : “le camouflage sans peine ou comment ne pas provoquer inutilement”. Ces derniers temps, il s’était surtout agi de ne pas provoquer les consœurs que sa silhouette énervait beaucoup mais il lui semblait sage de ne pas jouer les Jessica Rabbit non plus avec la police.
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