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Bienvenu en enfer !
1er mars 2011
Incursion à Las Vegas, la ville du jeu, avec son strass et ses paillettes, ses néons et et ses salles où jamais la lumière n’entre et où jamais le temps ne passe. Pas de jour, pas de nuit at pas de rêve...
Moquette couleur vomi, lumières clignotantes, et, malgré l’absence de fenêtre, un air frais, délicieusement respirable. Ici pauvres et riches se retrouvent pour une sorte de grand messe à la chance qui sourit si rarement, à ces rouleaux qui tournent sans fin alignant une quetsche, deux cerises et « Bang ! » devant le regard halluciné des joueurs. Plus besoin d’actionner le fameux manche du bandit, on peut jouer à l’économie en appuyant sur un bouton. Idéal pour la clientèle âgée, obèse ou infirme qui se presse en fauteuil roulant dans l’espoir fou de voir enfin trois quetsches ! On n’entend plus non plus les cents qui dégringolent dans la cuve de métal, provoquant un vacarme assourdissant ainsi qu’une très réelle euphorie. Aujourd’hui, c’est l’oxygène pulsée dans les salles des casinos qui allège la tête et permet de fumer. La détresse se lit dans ces nuques crispées, dans ces dos voûtés et ces regards mornes, dans les doigts fébriles qui pianotent sur les touches colorées et arrachent la dernière cigarette à son paquet.
Tout est d’une laideur absolue, aussi bien les machines chromées qui tournent sans fin que les joueurs au teint gris, figés en attendant la mort. L’enfer commence dans cet univers de plastique et de miroirs, où la lumière est celle des néons et l’air vient de container. De pathétiques danseuses se trémoussent sur des estrades pour faire croire que Las Vegas est la ville des plaisirs. L’une a troqué les cuissardes pailletées turquoise réglementaires contre ses bottes personnelles, histoire d’éviter les ampoules. Personne n’y fait attention. Elle pourrait être en moonboots ou intégralement nue, ce serait pareil. Personne n’est ici pour voir autre chose que les rouleaux qui tournent ou le râteau qui ramasse les jetons.
Des hôtesses passent avec des plateaux et déposent des sodas à portée de désespoir. Un peu de sucre pour oublier que les quetsches se refusent opiniâtrement. Juchées sur des talons immenses, les jambes gainées dans des collants caramel, elles slaloment entre les rangs indifférentes à tout. Elles arborent le curieux sourire grimaçant de toutes les femmes qui ont parié sur la chirurgie esthétique. Leurs lèvres s’étalent comme une plaie barbouillée de rouge, terriblement gênante sur ces visages de grand-mères. La seule chose assortie à cette bouche obscène est la paire de seins qui flottent sous les clavicules, raides et gonflés comme des bouées. Et j’imagine le tête-à-tête avec le miroir, dans l’implacable lumière d’une salle de bain, les cernes et les rides, les vertèbres bloquées par ce piétinement quotidien sur des stiletto, la fatigue infinie et ce sourire supposé sexy, suspendu à jamais au dessus de ce décolleté de plastique. Cela doit faire partie du contrat d’embauche.
Et dehors, sur les trottoirs du Strip, des Hispaniques en baggy pants qui leur donnent la silhouette d’E.T. proposent aux passants « une fille dans votre chambre en 20mn »...
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