LIVRES

Ecrire vrai

24 septembre 2018

Juste un petit récit pour montrer comme il est difficile de vérifier ses sources quand on écrit un livre et combien c’est nécessaire !

Victoria et Eugénie

Au "Monde comme il va", nous sommes particulièrement sensibles à l’exactitude scrupuleuse de nos références, pour avoir écrit "Les Habits du Pouvoir", édités en français et en anglais, avec des notes précises qui justifient nos assertions.
Dans un ouvrage à venir, nous parlons de la visite de la reine Victoria et du prince Albert à Paris en 1855. Eugénie qui est au sommet de sa beauté et s’habille avec un goût parfait, éblouit la petite reine boulotte, son mari et les enfants du couple. Victoria se réjouit même qu’Albert qui n’admire jamais aucune femme soit conquis par la belle impératrice.

Bal à Versailles

Un bal magnifique a lieu au château de Versailles et c’est là que le livre en anglais de Christopher Hibbert sur Victoria et que celui de Raphaël Dargent sur Eugénie divergent. Le premier est un historien connu et respecté qui a écrit, entre autres les vies d’Elizabeth Ier, de Nelson, de Wellington, de George III, George IV, Garibaldi et Mussolini. Le second sort donc un ouvrage sur l’impératrice Eugénie [1]. Il est également l’auteur de biographies de Marie-Antoinette, Napoléon III et Anne d’Autriche.

Galanterie impériale

Chez Christopher Hibbert, Napoléon III qui n’a vraiment pas froid aux yeux et veut charmer la petite reine, s’approche d’elle, Victoria, dans sa robe made in England, sa silhouette sans grâce et lui murmure à l’oreille : "Que tu es belle !" avant de l’entrainer dans une valse… Ce qui confirme que l’empereur est une sorte de dragueur impénitent.
Dans l’ouvrage en français de Raphaël Dargent, l’anecdote perd absolument tout son sel : les deux souveraines s’avancent, Eugénie est radieuse en crinoline blanche et parée de diamants. A ses côtés, Victoria, petite et déjà dodue, porte une de ses tenues qui font même honte à ses dames d’atour. Napoléon III marche vers l’impératrice et lui souffle "Que tu es belle !". Ce qui n’a rien d’étonnant.

Le Journal de Victoria

La mauvaise habitude française de ne mettre aucune note nous fait pencher pour le très sérieux Christopher Hibbert . L’un et l’autre s’appuient sur le journal de la reine Victoria daté du 25 août 1855. En plus Raphaël Dargent évoque à cette occasion une robe "parsemée d’herbe et de diamants” ! Curieuse conception de l’élégance parisienne mélangé à une recette de cuisine…Mais comme il est toujours important d’aller au fond des choses, il nous a fallu consulter le journal en question.

Surprise !

A Paris, on le trouve en version française à la bibliothèque historique de la Ville de Paris, à celle de l’Hôtel de Ville, ainsi qu’à la bibliothèque dédiée aux femmes, Marguerite Durand. Une autre solution consiste à chercher sur internet s’il est possible de lire le texte original de Victoria. Il se trouve que le journal de la reine est maintenant accessible en ligne depuis le jubilé d’Elizabeth II, sur autorisation seulement. Et la surprise est de taille, c’est bien la biographie de Raphaël Dargent qui dit vrai et le grand Christopher Hibbert qui s’est trompé. Napoléon complimente Eugénie et non Victoria. Quant aux herbes qui sont effectivement citées par la reine [2], il doit sans doute s’agir de bouquets de feuillages.

[1Editions Belin

[2bunches of grass

Bookmark and Share flux RSS


form pet message commentaire
Qui êtes-vous ?