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Quai D’Orsay, ton univers impitoyable
29 août 2011
Alors que le deuxième tome de Quai d’Orsay, d’Abel Lanzac et Christophe Blain, sort en feuilleton dans Le Monde, retour et décryptage de cette BD, dont le premier tome est paru en 2010.
Derrière le « héros », Arthur Vlaminck se cache le scénariste, Abel Lanzac, pseudo d’un ancien membre de cabinets ministériels, qui nous raconte le quotidien d’un ministère, au plus près du ministre, l’extravagant, le grandiloquent, le tourbillonnant Taillard de Worms dont la silhouette stylisée ne peut que nous rappeler un certain Galouzeau de Villepin, ministre des Affaires Etrangères durant le quinquennat de Chirac, au moment de l’affaire d’Irak. En fait, c’est lui le véritable héros de la BD, avec ses grands bras qui font des moulinets, ses enjambées et son élocution hachée. Il court, s’emballe, invective, toujours entre cinq idées et trois rendez-vous. Il boit ses verres d’un trait, cite Héraclite à tout propos et s’enthousiasme pour la poésie.
Arthur Vlaminck est le « nègre » de cet ouragan, comme Orsenna fut celui de Mitterrand et Guaino, celui de Sarkozy. C’est lui qui prépare les « fiches » dont on parle beaucoup dans le livre. En général, les membres des cabinets sont un mélange de fonctionnaires chevronnés et de jeunes politologues ambitieux, sortis du moule Sciences Po-Paris- ENA. Ils sont chargés de préparer les discours et les « éléments de langage » comme on dit aussi, ces deux à trois pages non rédigées qui détaillent les positions françaises à l’intention du ministre et des diplomates.
L’autre grand personnage de la BD, celui qui semble faire tourner le ministère, est Claude Maupas, en fait Pierre Vimont, directeur de cabinet de trois ministres, un record absolu. Dans la BD, et dans la réalité aussi sans nul doute, il est le seul dont le calme et la mesure équilibrent la folie du ministre. Présent à tout instant, on le voit avec son chat –on raconte que Pierre Vimont avait un lit dans son bureau au Quai d’Orsay-, ramenant un peu de mesure dans cet univers survolté, de sa voix douce et de son humour.
Fils d’ambassadeur, il a lui-même été ambassadeur à Washington DC avant de diriger le SCAE [1] sous la direction politique de Lady Ashton. On se rappelle d’ailleurs que Carla Bruni-Sarkozy aurait rêvé voir Pierre Vimont à la place de Jean-David Levitte comme conseiller diplomatique à l’Elysée. Notons également que, sous la barbe de l’ambassadeur à l’ONU, Tancrède de Montillac, on reconnaît Levitte lui-même !
Ce qui frappe est l’exactitude des aventures d’Arthur Vlaminck, aussi bien dans la vie quotidienne d’un cabinet que dans le cadre même, l’hôtel du Ministre, bâti entre 1844 et 1856, avec ses petits escaliers de service, ses dédales de couloirs menant à des recoins pas nets, autour des somptueux bureaux du ministre et du secrétaire général. Même précision pour l’hôtel Millenium, en face de l’ONU à New-York. On remarquera aussi quelques conseillers, certainement inspirés eux aussi de personnages réels comme la conseillère Afrique, une véritable traitresse qui poignarde le malheureux dans le dos et qui est un mélange de plusieurs car une telle traîtrise n’existe bien sûr pas dans la vraie vie !
[1] Service Commun d’Action Extérieure
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