Chronique d’un désamour

6 novembre 2010

Il était une fois un maire élu dans la joie ! Son arrivée mettait fin à des années de tripatouillages crasseux, de faux électeurs, d’emplois fictifs et autres manœuvres douteuses dont le but unique était de s’en mettre plein les poches en faisant semblant de s’occuper de Paris.
Et Delanoë vint.

Un vent de jeunesse et d’anticonformisme, des idées nouvelles, des gens nouveaux, de l’imagination, cela changeait agréablement de la clique Chirac-Tibéri. Paris Plages, Vélib’, la Nuit Blanche, Paris reprenait des couleurs. Au quotidien, la rue n’appartenait plus seulement aux voitures, on allait faire du vélo, du roller, de la marche à pied et prendre le bus.

Quand Paris aimait son maire

Avec le temps, Paris Plages reste un énorme succès, imité dans de nombreuses villes, y compris des municipalités de droite. Bien sûr, dans les salons de l’ouest parisien, on s’offusqua de ce que la circulation sur berges était coupée pendant l’été et on gloussa sous les serre-tête avec cette hilarante blague passée en boucle : « Vous savez comment on appelle Paris-plage ? Tata Beach ! ».
Vélib’, repris des « velos jaunes » de Michel Crépeau à La Rochelle a également fait l’objet de vives critiques –« dans 6 mois, ils seront tous cassés, volés, vandalisés, revendus contre de la drogue… » mais, là encore, le succès est au rendez-vous, repris à Toulouse, Marseille, Lyon, Bordeaux... Même à Londres !
La Nuit Blanche, c’est autre chose : ceux qui rêvaient d’un Paris nocturne, mystérieux et secret, ceux qui attendaient de parcourir les musées à l’heure où seules les mannes des artistes et Belphégor se promènent, ceux qui espéraient les jardins en ombres chinoises ont le droit à des installations artistiques clignotantes. Quand les créatifs inventent un Luna Park branché, une nuit de pacotille.

Tu vois pas qu’on t’aime plus ?

Quand est venu le désamour ? Difficile à dire mais de couloirs de bus mis au point par des ingénieurs sous ecstasy en carrefours pour apprentis kamikaze, on a commencé à se demander si le maire s’intéressait vraiment à ses administrés. Et puis, pour les piétons, aucune voie piétonne justement, que de bancales voies à 30km/h et, pour les cyclistes, quelques tracés particulièrement bouffons (et dangereux) de pistes slalomant sur les trottoirs, entre les arbres, les sanisettes, les plots et les places de parking. Sur ce coup-là, on peut faire confiance à la Préfecture de Police pour avoir tout saboté, mis des bâtons dans les rayons des vélos et privilégié les voitures !

L’orchidée qui fait déborder le vase

Aujourd’hui, il semble que la mairie de Paris s’apprête à sacrifier les magnifiques serres d’Auteuil pour permettre à Roland-Garros de s’étendre et ça, c’est insupportable. Les serres d’Auteuil sont une enclave de beauté et de culture, un lieu magique qui, avec le parc de Bagatelle, le Parc floral de Paris et le jardin de l’école d’horticulture Du Breuil, constitue le jardin botanique de la Ville de Paris.

Ses fameuses « serres chaudes » seraient les premières supprimées : récentes et sans intérêt architectural, il est vrai, elles abritent une collection d’orchidées rarissimes dont certaines sont centenaires. Elles seraient remplacées par un court de tennis de 3 000 places, pouvant être agrandi grâce à des gradins amovibles permettant d’accueillir 7 000 personnes pendant le tournoi. Les orchidées partiraient vivre leur vie on-ne-sait-où à moins qu’elles n’en meurent. Génial, non ? Ensuite, on pourra s’attaquer aux magnifiques verrières que l’on transformera en buvette chic, genre 104. On suspendra quelques pubs de sponsors généreux, comme des kakemono parce que l’on a la sensibilité japonisante. Et pourquoi pas un étendage de petites culottes à la Annette Messager, accrochées aux palmiers rares ?

Tweeter