MODE

La fusion dans la peau

20 septembre 2010

Et si on s’habillait tous pareil tellement on s’aime, les mamans comme leurs filles et vice-versa ? Les femmes comme les hommes, les copains comme les copines, etc. ? Vive la fusion vestimentaire !

La place Saint-Sulpice a eu un petit hoquet offusqué : la boutique Yves Saint-Laurent Rive-Gauche au coin de la rue Bonaparte a été remplacée par Le Comptoir des Cotonniers. Sacrilège ! Personne dans le VIe arrondissement n’a rien contre une enseigne qui, a priori, sent bon la fraîcheur et la simplicité, mais le départ de Saint-Laurent est bouleversant. Une page se tourne, un monde s’écroule… Surtout si l’on sait que le Comptoir vient d’être racheté par le géant japonais Uniqlo, le seul à pouvoir s’offrir ces mètres carrés hors de prix. La rive gauche devient trop chère pour le Yves-Saint-Laurent du même nom, cela serre le cœur.
Parallèlement, toujours à ce coin stratégique, Miki House, boutique japonaise de vêtements pour enfants aux prix astronomiques, a fermé et est remplacée par The Kooples. "The Kooples" (prononcer "ze coupeulz") ? C’est qui, c’est quoi ?

"Chérie, tu me prêtes ta mini-robe imprimée pour aller en boîte avec ton père ?"

Il était une fois une famille, les Elicha, le papa et la maman et leurs deux ou trois fils : ils créèrent en 1995 Le Comptoir des Cotonniers, sympathique marque de prêt-à-porter féminin "conjuguant modernité et chic intemporel, esprit créatif et tendances mode". On ajoute "naturel et raffinement" et on obtient "l’allure dans sa juste mesure"… Mais le vrai trait de génie est d’avoir fait appel à des anonymes pour faire la pub et ensuite d’avoir tout axé sur la complicité mères-filles. Au début, c’était assez mignon. Mais, au bout d’un moment, les anonymes apparaissent tout de même comme des archétypes de bobo-itude : Uta Wolf, consultante en design qui "love" marcher pieds nus et Catherine Simoneau, biochimiste qui "love" lire la nuit dans le silence… Avec leurs filles, elles aussi d’une exquise simplicité : Ella qui "love" jouer du saxo et Camille qui "hate" les livres de sa mère.
Et puis brutalement l’idée s’impose : à 15, 17 ou 20 ans, une fille a-t-elle envie que sa mère s’habille comme elle ? A-t-elle envie de cette maman-copine-confidente-clone ? Mais non, bien sûr ! La mère peut être flattée d’être prise pour la grande sœur de sa fille mais l’inverse n’est pas vrai. Il n’y a que des garçons chez les Elicha, c’est sans doute le fantasme d’une mère de fils : "Si j’avais une fille, on serait copines." Mais pas du tout ! Rien de pire qu’une mère qui ne sait pas où est sa place et qui squatte celle de sa fille. On a tous connu des femmes agrippées à leur image de séductrices urbi et orbi, ne laissant pas le moindre espace à la génération montante : il ne s’agit évidemment pas de se cantonner, la maternité venue, à des tenues de "dame", mais on peut accepter de devenir "femme" tout simplement.

72 et 62 ans, 80 kilos... à eux deux

L’ironie de la chose est que les Elicha juniors, après que le Comptoir a été croqué par Uniqlo, ont lancé The Kooples : fusion quand tu nous tiens... Toujours sur le même principe, les pubs montrent M. et Mme Tout-le-Monde, ou presque, photographiés en plongée dans une cabine d’essayage ou un ascenseur. Pas Marcel et Ginette de Marcq-en-Bareuil, plutôt Morven et Nick, Alison et Jeremy, des couples choisis par des créatifs d’agence de pub. Bien sûr, "coupeulz" au sens large, hétéros, homos, jeunes et même vieux ! Si, si, Jean-François ressemble à un Andy Warhol de 72 ans et Tanya, sosie d’une directrice de rédaction parisienne avec sa choucroute, en a 62 ! Excusez de l’audace.
On notera seulement que le dernier bastion d’obscénité que notre société parisienne bien-pensante pulvérise d’une pichenette demeure les kilos. Ses "mannequins" font tous 40 kilos tout mouillés, ce qui est ennuyeux pour un magasin de fringues, non ? Au-delà du 36, votre ticket n’est plus valable. Gros, passez votre chemin ! Et les noirs aussi, d’ailleurs.
A part ça, "ze coupeulz", c’est trop coooool et on attend des ouvertures de boutiques à Paris, avenue George-V et rue Royale, à Versailles et en province, Toulouse, Nantes, Avignon…

Paquita

The Kooples, 74, rue Bonaparte, Paris 6e. www.thekooples.com
Comptoir des Cotonniers, 12, place Saint-Sulpice, Paris 6e. www.comptoirdescotonniers.com

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