Chocolat passion

28 octobre 2010

“La marquise de Coëtlogon prit tant de chocolat, étant grosse l’an passé, qu’elle accoucha d’un petit garçon noir comme le diable qui mourut !” Après avoir vanté les qualités supra-normales du chocolat qui guérissait de tout, la marquise de Sévigné nous livre cette anecdote qui montre la passion peu ordinaire suscitée par la “boisson des dieux” (theobroma) longtemps réservée aux princes et princesses mayas. Aujourd’hui, le chocolat a perdu de son exotisme, mais on l’aime toujours à la folie si l’on en juge par le succès du Salon du Chocolat. Depuis ses débuts, il y a seize ans, sous une tente du quai Branly, il a gravi tous les échelons et s’installe en majesté porte de Versailles, du 28 octobre au 1er novembre, aîné de quinze salons internationaux sur les quatre continents, de New York au Caire, en passant par le Japon, la Chine et le Brésil.

La chocologie après l’œnologie ?

Donc, énorme succès de l’événement et énorme succès du chocolat à la française — un peu de chauvinisme ne nuit pas. Au fil des années, le goût des Français s’est affiné et il est d’un chic total de citer son cru préféré, comme pour le vin. “Cheval Blanc ? — Non, non, Chuao.” En fait, malgré une créativité extraordinaire sur l’ensemble du pays (Fabrice Gillotte à Dijon, Henri Le Roux à Quiberon, Philippe Bouvier à Rennes, Jean-Dominique Gellé chez Morand à La Clusaz…), le snobisme parisien s’est emparé du phénomène. “Tu as goûté le Madagascar ? —Je le préfère au Sumatra.” Commentaire à prendre avec autant de recul que les péremptoires “Le Beaujolais nouveau ? Il a un nez de banane ». Ou de “foin coupé”.

Quoi de nouveau cette année ? Le bio, bien sûr, et l’éthique, même si cette préoccupation répond sans doute plus au besoin de coller à l’air du temps qu’à une conviction profonde. Mais finalement, quelle importance si, grâce à cette mode, Jean-Paul Hévin travaille en direct avec des producteurs haïtiens et leur permet ainsi de mieux gagner leur vie ? Plus vert et moins éthique, Philippe Castelanne, le Nantais, travaille sur des tablettes bio et propose du chocolat bio à boire tandis que Laura Todd produit à Paris des pâtes à tartiner et des cookies, muffins et brownies, 100 % bio, sucrés au stevia (édulcorant naturel sans sucre ni calorie) dans des packagings écologiques et durables.

Le délicieux goût du péché

Mais, dans le domaine du chocolat comme ailleurs, la vertu ne suffit pas toujours et qui va nous régaler en dehors des Patrick Roger, Pierre Hermé, Jean Charles Rochoux et tous ceux que nous avons déjà cités ? Quels sont les nouveaux noms de ceux qui vont nous mettre les papilles en émoi ?

Vincent Guerlais de Nantes, 36 ans, nous attire avec sa tablette XXL à partager : 260 grammes de gourmandise pure avec caramel coulant à la fleur de sel, sans oublier ses jolis “guerlingots” de couleur, petits bonbons de chocolat, rouges comme la framboise, verts comme le citron, jaunes comme le coco-passion ou orange comme l’orange.

Pascal Le Gac de Saint Germain-en-Laye, 49 ans dont vingt-cinq à la Maison du Chocolat, nous attend avec des ganaches au thé à la bergamote, au zeste de citron frais du marché, à l’orange, au gingembre et, la nouveauté absolue, la ganache à la framboise avec infusion de basilic et poivre de Sichuan.

Quoi de nouveau sur nos papilles ?

Olivier Deschamps, 36 ans, depuis cinq ans aux Blés d’or à Honfleur, a une vraie passion pour Alphonse Allais auquel il a dédié un macaron à l’absinthe et une spécialité chocolatière : le carré fourré à la pâte de pomme verte, et à la ganache à l’absinthe. Pour les insatiables, il a prévu le “Pavé de Honfleur”, praliné feuilleté avec des amandes torréfiées de la taille d’un pont-l’évêque.

En ce qui concerne Romuald Rémy d’Issoire dans le Puy-de-Dôme, 39 ans, difficile de parler de ses nouveautés car il est toujours en quête d’une nouvelle idée. Ses clients viennent justement pour son originalité comme ses ganaches au poivre de Sichuan et aux baies roses et ses bouquets de fleurs belles à croquer.

Nouvelle arrivée sur ce marché en pleine expansion, la très jeune et très charmante Victoire Finaz de Villaine, 27 ans, qui est venue au chocolat par gourmandise. Et si elle ne met pas elle-même la main à la pâte – elle laisse ce soin à un chocolatier du Cher, Daniel Mercier –, elle a élaboré les recettes de la société Abanico qui vend ses délicieuses créations, ni trop sucrées, ni trop grasses, sur Internet. XXIe siècle oblige !

+ SUR LE SUJET : le fin du fin en matière de nouveauté diététique et éthique dans le domaine du chocolat, le cacao cru.

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