Un thé à Guimet

7 octobre 2012

Il y a plusieurs façons d’aborder cette nouvelle exposition du Musée Guimet : celle des buveurs de thé que nous qualifierons de « normaux », celle des officiants d’une liturgie complexe et douloureuse pour les articulations et celle des curieux qui aiment l’art asiatique. Mais quelle que soit la vôtre, le plaisir est au rendez-vous.

Une boisson chic

Nul besoin d’être anglais ou chinois pour parcourir ces quelques salles qui retracent les moments forts de l’histoire de cette boisson deux fois millénaire car les objets présentés sont beaux avec cette beauté particulière du quotidien : bols, du plus rustique au plus sophistiqué, gobelets, théières, fouet pour faire mousser le matcha japonais, sans oublier des peintures consacrées à la préparation du thé. La France est sans doute l’un des derniers pays d’Europe à s’être laissée conquérir mais, depuis quelques années, le vent a tourné : au cours des 25 dernières années, elle aurait plus que triplé sa consommation. On ne compte plus les boutiques spécialisées à Paris et en province, qu’elles soient simples et accueillantes comme les enseignes du Palais des Thés [2] partenaire de l’expo, d’esprit comptoir colonial comme Mariage Frères [3] ou somptueuse comme Dammann Frères [4]. Même les grandes surfaces la jouent expert avec Kusmi [5], spécialiste de Saint-Pétersbourg qui vient d’ouvrir une deuxième adresse à Paris [6].

Bouilli, battu ou infusé ?

La première pièce est un cube de un mètre de côté de thé Pu’er compressé par Ai Weiwei, intitulé sobrement La tonne de thé, mais la suite est beaucoup plus traditionnelle faisant passer le visiteur de l’âge du thé bouilli, à celui du thé battu et du thé infusé. Le premier, apparu dans la Chine des Tang (618-907) était en usage chez les moines bouddhiques et les sages confucéens et on le rencontre aujourd’hui encore au Tibet et en Mongolie, mêlé de beurre et d’épices. Le second, originaire de la Chine des Song (960-1279), a donné naissance aux maisons de thé et à la production de céladons du Shaanxi, au nord, et de grès noirs du Fujian au sud, suivie très vite par le développement d’une véritable industrie porcelainière. Aujourd’hui la tradition du thé battu demeure vivace au Japon puisqu’il est au cœur des fameuses cérémonies du thé, dont le matcha mousseux est le cœur.

25000 tasses à la seconde

Mais c’est bien sûr sous la forme d’infusion que le thé s’est généralisé à travers le monde : selon le site Globometer [7], il s’en boit environ 25000 tasses chaque seconde, soit 3,9 tonnes de thé par an. « L’Inde et la Chine sont les deux plus grands pays producteurs de thé suivis du Sri Lanka, du Kenya et de la Turquie. » En ce qui concerne la consommation, les avis divergent : Globometer dit que les champions du monde sont les Anglais, avec 2,2 kg par an et par habitant suivis de près par la Turquie et l’Irlande tandis que Ochaya [8] décerne ce titre aux Emirats avec 6,24 kg, devant l’Irlande, la Mauritanie, la Turquie et, en cinquième position, le Royaume-Uni.
Une chose est sûre, en France, la consommation de thé vert est en hausse, surtout auprès des femmes qui ont tout lu sur les polyphénols antioxydants dans leurs différents magazines nutrition-santé-bio, sans oublier ses qualités brûle-graisse-du-ventre et anti-cancer du poumon.

En préparant le thé (détail), Wang Wen (1497-1576)

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