67 Déjeuner au Louis XIV

13 juillet 2011

Il acquiesça, soulagé de la voir se détendre à nouveau. Lorsqu’ils arrivèrent au Louis XIV, le patron la salua et elle partit "faire la bise" à plusieurs tables d’où elle était hélée.
“Chérie, quand se fait-on une bouffe ?”
“Dis donc, cocotte ne m’oublie pas, j’ai reçu mes protos du printemps.”
“Ne me dis pas que le beau ténébreux qui t’accompagne travaille dans la mode !”
“Quand viens-tu voir mes collec’ ?”

Alex qui riait sans faire de promesses, lui fit signe de monter à l’étage. Il restait une table à une fenêtre avec vue imprenable sur Louis XIV où ils s’installèrent. Elle se mit en devoir d’attaquer la motte de beurre pour se faire des tartines. Constater une fois encore qu’elle n’était pas un pur esprit lui mit du baume au cœur car il se demandait vraiment comment allait tourner cette invitation. Il s’était juré de ne pas l’effaroucher mais se demanda comment il y parviendrait si elle recommençait à lui faire du charme.
Elle se borna à lui montrer ses distingués confrères aux tables voisines :
“Ici, c’est le Nouvel Obs, en costard de velours prolo chicos de chez Lassance. L’arbre de Noël fuchsia est du Figaro, c’est du Lacroix revisité à Munich. Plus loin, c’est la spécialiste de l’immobilier de chez nous, genre masculin-féminin, tailleur rayures tennis pour faire croire qu’elle en a aussi...”
“De quoi ?”
“A votre avis ?”
“Je ne comprendrai jamais comment les femmes les plus charmantes puissent dire des horreurs pareilles avec un air aussi naturel.”
“A cause de leurs mauvaises fréquentations”, déclara-t-elle d’un ton péremptoire.
“Vous voulez parler de moi ? Je crois avoir entendu des plaisanteries d’un goût bien plus effroyable chez Saunders que dans la police.”

La conversation s’engageait facilement, leur métier respectif avait de quoi l’alimenter en douceur. Elle essaya de savoir où Balinaud intervenait dans l’affaire Delarue. Il esquiva. Il chercha à savoir où elle en était avec sa rédaction et elle se retrancha derrière l’émoi causé par l’assassinat qui ne permettait pas des prises de décisions rapides.
“Et si c’était vous la prochaine chef de rubrique ?”
Elle sourit sans répondre, le regard énigmatique comme celui d’un chat. Il lui en fit la réflexion.
“C’est exact. Je sais prendre l’air profond alors qu’en fait, je ne pense qu’à mes boulettes de Ronron.”

Un pâle soleil presque hivernal éclairait la place des Victoires et il eut l’impression que cette vue la mettait de bonne humeur. D’ailleurs, elle se mit à parler du plaisir que lui avait toujours procuré le fait de travailler dans ce quartier ou près de la Concorde.
“Quel bonheur de découvrir ces façades ou le dôme des Invalides après une journée au téléphone et sur ordinateur ! Malheureusement, les journaux quittent tous Paris pour s’installer en banlieue.”
“Le groupe Saunders aussi ?”

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