AIR DU TEMPS

Harcèlement : l’omerta féminine

3 juin 2011

Le plus dommage dans tout cela, c’est d’abord que tous les hommes ne sont pas comme ça, loin de là, il y a des timides, des respectueux, des bien élevés, des gentils. Et ensuite c’est l’omerta féminine. Racontez dans certains milieux que vous avez été, ou que vous êtes victime, de harcèlement sexuel, et pour une raison obscure, beaucoup de femmes non seulement ne compatissent pas, mais vous soupçonnent des pires choses.

Louise en a fait les frais : journaliste, elle a osé dénoncer un photographe harceleur. Premier contact au téléphone : « Oui, tu me reconnaitras facilement, j’ai les yeux bleus. » Une telle prétention la fait rire, surtout lorsqu’il débarque avec un énorme sac, trois boitiers, sept objectifs et un trépied ! Elle le lui fait remarquer, histoire de dégonfler cet égo boursouflé.
Cinq minutes après, en plein repérage, et à propos de rien, il lui déclare que le mot le plus laid de la langue française, pour lui, c’est « vagin ». Oh my God ! Mais, cher Emile, où allez-vous chercher tout cela ? Elle hésite à lui rétorquer que « scrotum » ne la ravit pas non plus mais préfère laisser filer. Pas d’encouragement d’aucune sorte.
Une demi-heure plus tard elle connait déjà une grande partie du triomphant parcours sexuel d’Emile-les-Zyeux-Bleus. Leur collaboration va durer plusieurs reportages, sur Paris à chaque fois, et elle slalome entre ses tentatives pathétiques, ses plaisanteries graveleuses et ses invitations lourdingues comme une championne de gymkhana.
Bien sûr, elle connaît tous les fantasmes qui collent aux métiers de la presse. Les journalistes sont des « chaudasses » qui s’envoient tout ce qui porte un pantalon et les photographes confondent la taille de leur zoom avec celle de leur sexe. Lorsqu’il lui répond au téléphone « Mais non, je ne peux écrire ! Devine ce que je tiens dans la main qui n’a pas le portable ? », elle raccroche et se dit que la prochaine fois elle va le tuer.


La prochaine fois, on lui donne l’ordre de partir avec lui en Asie et elle refuse. « Dis donc, nous fais pas ta star ! Il est très bien Emile, et il t’aime beaucoup ! ». Elle finit par lâcher : « Okay, j’y vais, mais au retour vous aurez une plainte pour harcèlement sexuel ». Consternation et ricanement vague : « Tu plaisantes ? ». « J’en ai l’air ? » et elle raconte le « devine ce que je tiens… ».

Les hommes de la direction ont des vapeurs, disparaissent dans leurs bureaux mais n’insistent pas. A la suite de ce petit scandale, des pigistes tremblantes viennent lui raconter leur calvaire en Croatie, au Honduras ou à St-Tropez : « oui, je devais me barricader dans ma chambre. » « Oui il me collait aux fesses », « oui il a mis sa main dans mon décolleté ». Il semble que le bel Emile sévisse depuis fort longtemps et que personne n’avait encore osé le dire. Par peur du ridicule. Par peur de n’être pas crue. Par peur de passer pour une hystérique.

Louise les a encouragé à écrire. Il y a eu une enquête et Zyeux-bleus a été prié d’aller montrer son gros zoom plus loin. Les femmes de la rédaction se sont déchaînées plaignant « le pauvre Emile que ces chieuses ont fait virer… ».
« Mais tu t’es fait des illusions, Louise ! Moi je n’ai jamais eu de problème » ; « Mais tu as dû le provoquer… » ; « Mais on a toujours fonctionné comme ça ici et il suffit que tu arrives… » ; « Tu sais la presse, c’est comme ça, c’est comme une famille, on rigole » et finalement le définitif : « Tu n’as vraiment aucun humour ».
Solidarité mes sœurs ?

Sur le même sujet : Harcèlement ordinaire
http://www.lemondecommeilva.com/harcelement-ordinaire,199

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