AIR DU TEMPS

Harcèlement ordinaire

3 juin 2011


Comme le disait Tante Marie-Antoinette, 180 ans aux chanterelles, « où y’a d’l’homme, y’a d’l’hommerie » ! On ne peut penser qu’elle le savait d’expérience, puisque les temps forts de sa vie avaient été de fleurir l’autel de la Vierge à la cathédrale St-Etienne de St-Brieuc mais elle n’en aurait démordu pour rien au monde. Aussi, l’incrédulité sur le thème « nooon, ça existe encore le harcèlement sexuel ? ! » l’aurait fait pouffer sardoniquement, de tout son dentier baladeur.

Donc, ça existe et peu de femmes n’ont d’anecdote à raconter, une histoire de harcèlement sexuel, grande ou petite qui les couvre encore de honte parce qu’elle ne l’ont pas vue venir. Parce qu’elles n’ont pas su se défendre. Parce qu’elles se sont tues.

La masseuse pas perverse

Christine me parle de son voisin qui, dans l’ascenseur, entre le rez-de-chaussée et le premier lui dit avec un gentil sourire : « Vous aimez les tenues moulantes, non ? ». Réponse un peu surprise : « Oui ? ». Entre le second et le troisième « Vous avez raison, cela vous va très bien ». La bonne éducation la fait remercier, toujours surprise, pour ce compliment inattendu et là, entre le quatrième et le cinquième, c’est l’attaque du mille-pattes géant !
Sophie raconte comment un ouvrier « ravaleur » est entré dans sa chambre un beau matin et lui a posé une main sur la hanche alors qu’elle se levait. Anne a encore dans la rétine le regard de ce motard casqué qui a ouvert la portière de sa voiture pour lui caresser la cuisse.
Isabelle se souvient de ce directeur d’hôtel de luxe, lui sortant sa bite sans préavis comme un marchand du souk d’Essaouira montre une jolie poterie : « Plaisir des yeux ! ». Il faut dire qu’elle fait de sublimes massages relaxants et que « massage », on sait ce que ça évoque, non ? D’ailleurs peu de clients ne font de tentative. C’est un des dommages collatéraux du dit « massage-thaïlandais-body-body » qui se combine au syndrome hôtel-de-luxe-je-fais-ce-qui-me-plait vérifié encore récemment. Apparemment, la politique dans les hôtels de luxe est "cela ne nous regarde pas" et seul le George V se préoccuperait de la tranquilité du personnel féminin.

Stupeurs et tremblement

D’ailleurs l’hôtel est un lieu tellement érotiquement chargé qu’il n’y a pas que les jolies femmes de chambre ou les séduisantes masseuses qui sont l’objet d’« attentions » appuyées. Il n’est pas rare de séjourner à l’hôtel pour le travail et de recevoir les propositions les plus insensées parce qu’une femme seule à l’hôtel, c’est louche. Agathe se souvient, vingt ans plus tard, d’un homme d’affaires italo-autrichien cherchant à la trousser dans un couloir désert et lui offrant un stylobille pour la convaincre. Elle a longtemps gardé le souvenir de cette langue gluante comme usée par trop de patins extorqués. Depuis elle a appris, grâce au film Casino, que l’on pouvait tuer avec un Bic …

Aucune d’entre elles n’a porté plainte. Aucune même n’a réellement protesté tant le geste les a stupéfiées. Toutes disent la même chose : "c’est tellement irréel que l’on se croit d’abord dans un film et on ne réagit pas !" Mais il faut le savoir, protester n’est pas une garantie de convaincre. En particulier les autres femmes.

Voir sur le même sujet : Harcèlement : l’omerta féminine
http://www.lemondecommeilva.com/harcelement-l-omerta-feminine,200

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