TEMOIGNAGES

Le TGV de 7h58 pour Lille

18 mai 2011

Un matin tranquille gare du Nord, avec des fonctionnaires qui n’en sont plus puisque le SNCF n’est plus un service public, tout en l’étant encore suffisamment pour menacer d’un PV. Si on a bien compris.

Hier matin, 17 mai, j’accompagne ma femme à la gare du Nord à Paris pour l’aider à prendre son TGV pour Lille dans le cadre d’un déplacement professionnel. Samedi, elle s’est faite une méchante entorse au genou et depuis elle doit marcher avec une attelle, ce qui est quelque peu contraignant, surtout pour monter des marches surélevées du TGV. Ainsi, outre la conduire à la gare, j’avais décidé de l’aider à parcourir les 300 m de quai pour atteindre la voiture 13 et à grimper dans le wagon. Nous arrivons en avance, le quai du train n’est pas encore indiqué et nous prenons un café : la gare du Nord est sans doute la plus belle de Paris. Lorsque le numéro 11 du quai s’affiche en face de la ligne Lille-Calais du panneau d’affichage, nous nous dirigeons vers le quai.

Vous avez outrepassé vos droits

Un groupe d’environ 7 contrôleurs bloque l’accès au quai : ils demandent aux passagers de montrer leurs billets. Depuis quand c’est comme ça ? J’ignorais. Peu importe, les contrôleurs sont des êtres humains et nous expliquons que ma femme a du mal à marcher et que je dois l’accompagner pour l’aider à monter. Un contrôleur bourru aux cheveux gris, dans le plus pur style SNCF, répond que ce n’est pas possible et ajoute que ce nous disons est faux : ma femme avait eu le malheur de faire un mètre seule pour montrer son billet, ce qui démontrait infailliblement qu’elle était en mesure de marcher jusqu’à la voiture 13, au milieu du second TGV. Il a l’œil suspicieux. Nous demandons comment faire : la seule réponse est un « Vous vous dites au revoir ici ». Après avoir vainement tenté de parlementer avec un autre contrôleur, « Arthur » sur son badge, pourtant jeune et plus avenant, je décide de passer outre et d’accompagner ma femme. Le trajet dure 5 minutes et nous atteignons le fameux wagon 13, un peu défraichi, ne sentant pas très bon, avec un petit carton scotché à l’intérieur de la vitre de la porte, sur lequel on a écrit « Nice » au feutre, ce qui est normal sur un TGV pour Lille. Je monte en premier pour hisser ma femme dans la rame quand j’entends un « Descendez immédiatement, vous avez outrepassé vos droits ». L’œil suspicieux est devenu accusateur. Il prétend même qu’il a vu que je ne tenais pas les mains de ma femme lorsqu’elle montait, ce qui prouve je n’étais qu’un vulgaire fraudeur.

Ta gueule ou j’te fous un PV

Ma femme montée, je redescends et lui explique que je trouve indécent de s’adresser de la sorte à la clientèle, que je n’avais nullement l’intention de monter dans ce train, et que, vu le prix du billet - 70 euros A/R pour un trajet de 220 km- je me demandais où était le service public. Après un bref rappel pour dire que la SNCF est privée et n’est, par conséquent, plus un service public, il m’ordonne de me taire en me présentant l’éventualité d’une amende en raison de l’outrepassement de mes droits : « Ta gueule ou j’te fous un PV ». A cet instant précis, un coup de vent fait sauter sa casquette en arrière et le contraint à courir après. Je continue de marcher, un sourire aux lèvres, quand il me rattrape haletant pour me tenir une courte leçon de morale sur le fait qu’il était peu charitable de se moquer de lui dans une telle situation. Nous arrivons enfin au bout du quai.

Passablement énervé, je m’arrête alors auprès du groupe des 7 contrôleurs pour leur expliquer le comportement de leur camarade et leur demander comment on faisait pour s’en plaindre. Ils ne me répondent pas et me répètent que j’étais en tort et me rappelle une seconde fois qu’ils ne sont plus un service public. J’insiste et demande, en gardant mon calme, s’il serait possible que l’on m’écoute au lieu de me gueuler dessus. L’un des jeunes contrôleur dit à son collègue en riant : « Rappelle toi, il faut être à l’écoute de la clientèle ». L’autre s’esclaffe aussi. Le contrôleur qui se trouve sur ma droite semble percevoir qu’ils sont en train d’exagérer et me délivre alors une réponse très langue de bois mais polie et sérieuse en me disant de retirer une feuille à l’accueil et d’adresser ma requête à la SNCF. Je m’apprête à laisser ce troupeau d’imbéciles - ce n’est pas pour être offensant mais comment les qualifier autrement ?- pour aller retirer mon petit formulaire, quand j’ai assisté au bouquet final. Il ne me concernait pas.

Casse-toi, pouffiasse !

Une jeune femme arrive en courant vers eux, le train va fermer ses portes et elle est en retard. Ils lui expliquent qu’il est trop tard et qu’elle devait arriver 2 minutes avant la fermeture des portes. C’est écrit. Elle les supplie brièvement en leur disant que c’est important, que c’est pour le boulot. Après avoir compris qu’elle avait affaire à des durs, elle s’emporte contre eux en disant qu’ils n’en avaient rien à faire d’elle et de ses problèmes, avec leurs postes tranquilles où ils faisaient grève quand ça leur chantait. C’est alors que le chef, le jeune et sympathique Arthur, sort de sa réserve et crie de manière très distincte (sic) : « connasse ! ». Il s’interrompt un instant, reprend ses esprits et ajoute (sic) : « casse toi, pouffiasse ! ».

La synthèse du pire du privé associée au pire du public, c’est ça la SNCF ? J’ai depuis relaté l’affaire sur le formulaire en exigeant des excuses pour ce que j’avais vécu et entendu ce matin à la gare du Nord. Vous pensez que je les recevrai ?

Patrick J.

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