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Les nouveaux habits de Spiral

6 mai 2011

Les guides Spiral des éditions Gallimard ressortent sous le nom de Mode d’Emploi. Bonne occasion pour se pencher sur les premiers titres : Boston, Crète, Londres, Maroc, Portugal et Rome. Et comme Le monde comme il va n’est pas omniscient, il s’est adressé à des connaisseurs pour en feuilleter quelques uns.

A Londres, ne suivez pas le guide

Première impression, absolument consternante : le style est maladroit jusqu’au ridicule. Difficile de savoir si le responsable est l’auteur de ce guide de Londres, Lesley Reader ou les traducteurs, mais comment ne pas rire à cette évocation de Downing Street [1], résidence officielle du Premier Ministre : « elle est d’ordinaire située au n°10 ». Les années bissextiles ? Les jours pairs ? David Cameron et ses prédécesseurs seraient-ils des vagabonds ? Ajoutons qu’il n’y a pas de "Horse Guards", censés apporter "les seules touches de couleurs" dans cette rue.
Quant à Westminster Abbey [2] « l’ornement des voûtes en rosaces, très fin dans le détail et superbement doré, est remarquable… ». C’est gothique, quoi ! Soit l’auteur n’en sait rien, soit il suppose que ses lecteurs sont nuls. Dans la même page, il est fait mention de « Mary Queen of Scots, rivale d’Elizabeth I ». Ici, on ne la connaît que sous le nom de Mary Stuart et elle a été reine de France.
A y regarder de plus près, on trouve de véritables erreurs : « Les tailleurs se sont déplacés vers Saville Row et Jermyn Street » [3]. Pas de chance, il n’y a pas de « tailleur » à Jermyn Street mais de chemisiers qui vendent parfois du prêt-à-porter. Et, dans la même page, notons que Burberrys et Aquascutum ne sont en aucun cas de « tailleurs à la longue tradition » mais des fabricants de manteaux de pluie, tout comme Cordings, laissé de côté. Le mot "tailleur" a un sens, surtout à Londres. Passons sur l’effarante platitude du commentaire sur le magasin Liberty, c’est à pleurer. Dernière remarque : il est inconcevable de ne trouver aucune mention des quartiers branchés de l’East End. Il parait que l’auteur est spécialiste de l’Himalaya : on ne la choisira pas comme sherpa !
Une explication possible, voire probable : le travail est si mal payé que les auteurs et/ou traducteurs de qualité partent en courant.
Un conseil aux voyageurs : n’importe quel guide sera meilleur. Aucun même. Le petit Cartoville est moins prétentieux mais bien plus utile.

C’est fou toutes ces ruines, non ?

Autre sondage, le guide Rome, Mode d’emploi. Nettement plus cultivé, il réserve quelques perles qui ne sont pas toujours des coquilles, et des maladresses de style qu’il est dommage d’avoir laissé passer : « les reliefs de la Colonna traiana font le récit de la guerre contre les Daces » [4]. N’y-a-t-il rien de plus léger que « faire le récit » ? Et surtout, nous aimons l’avertissement au touriste qui pourrait être déçu : « Vous serez peut-être étonné de voir tant d’édifices antiques en ruine » [5] Qui a relu ? Un Texan qui n’a jamais quitté Austin ? Pour faire bon poids, une petite mention spéciale pour les latinistes : « l’emplacement des Rostra au forum des orateurs… Rostra vient de rosta, éperon en bronze des navires » ! Non, non, rostra est le pluriel de rostrum qui veut dire « éperon… » et qui a donné « rostre » en français.

Troisième essai, le Portugal et là, nous saluons l’auteur , Tony Kelly, et/ou les traducteurs. C’est parfait. Cultivé sans être pédant. Clair sans être simpliste. Les lecteurs ne sont pas pris pour des débiles et c’est bien agréable. Même chose pour la Crète. N’hésitez donc pas à feuilleter avant d’acheter : suivant les destinations, il y a le pire -et c’est par le pire que nous avons commencé- mais aussi le meilleur !

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