21 Les "petits" cadeaux entretiennent...

14 mars 2011

Quand elle pénétra dans le restaurant, elle fit une rapide prière sur le thème “Pourvu que je ne connaisse personne !” mais, dès qu’ils furent installées, la conversation commença en douceur.
Elle lui avoua qu’elle était pressée d’aller s’acheter des bulbes de fleurs et que cette histoire lui pesait un peu.
“Le commissaire Vogel n’a pas l’habitude des Parisiennes sophistiquées : ayez pitié de lui et tout ira mieux !”
“Je n’ai rien de particulièrement sophistiqué. Quand je parle, vous me comprenez, oui ou non ? Ce n’est pas le cas pour toutes mes consœurs.”
“Disons qu’il vous arrive d’être allusive...” suggéra-t-il prudemment.
“Posez vos questions et je réponds. Mais ne me demandez pas de faire semblant de pleurer ou de regretter je-ne-sais-quoi.”
“Lucile était vraiment aussi désagréable que cela ?”
“J’ai travaillé avec elle une bonne dizaine d’années et je n’ai pas réussi à lui trouver une qualité. Pas une seule. Plus j’en ai appris sur elle et plus j’ai eu de raisons de la mépriser, c’est clair ? Et son Lannois lui va comme un gant. C’était un vilain couple, toujours à la limite de l’honnêteté... ”
_ Il la regarda avec surprise :
“A la limite de l’honnêteté ?”
“Oui, il est du genre à demander aux secrétaires du groupe de taper ses manuscrits, en plus de leur travail et sans les payer. Ce n’est pas l’attaque du Glasgow-Londres mais c’est une petite indélicatesse ordinaire. Un mélange d’abus de pouvoir et de rapacité. ”
"Lucile était rapace elle aussi ?”
Elle éclata de rire :
“Qu’est-ce que vous voulez savoir au juste ? Non, je ne pense pas que ce soit un marchand de cachemire racketté qui lui a défoncé le crâne.”

“Qui aurait pu faire cela d’après vous ?”
“Si les pensées pouvaient tuer, le groupe Saunders en entier, y compris moi, y compris Lannois, y compris Marie-Caroline, y compris Pierre-Yves notre rédacteur en chef toujours en voyage aux antipodes, plus sa femme de ménage, les ouvriers qui travaillent à son manoir normand et sans doute tous les commerçants de son quartier. On peut ajouter sa famille, les enfants de Lannois et presque toutes les attachées de presse de Paris qui ont eu à supporter ses chantages. Vous avez du pain sur la planche ! Mais les pensées ne tuent pas d’après ce que je sais et ce n’est pas moi, même si je savais pour les hérissons ridicules.”

Beaudoin laissa passer un moment, hésitant à comprendre ce que cette déclaration supposait.
“Elle recevait des cadeaux ou elle les extorquait ?”

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