La topiaire au top

8 septembre 2010

La légende raconte qu’Alexandre rapporta l’art topiaire de Babylone. C’est là, dans les merveilleux jardins suspendus de Sémiramis, qu’il découvrit cet art subtil de sculpter les végétaux. En fait, nul n’en connaît vraiment l’origine, mais Pline s’émerveillait déjà des animaux taillés dans le buis !

Aujourd’hui, la topiaire — ou le topiaire, comme le disent souvent des professionnels — est redevenue à la mode. Après des décennies de semi-oubli durant lesquelles seuls les jardiniers municipaux s’entêtaient à exposer quelques petites haies poussiéreuses dans les squares en bordure de pelouses interdites, le succès est au rendez-vous.

Extravagances végétales

Les jardins d’Eyrignac sont, sans aucun doute, à l’origine de la renaissance du genre puisque l’on doit au père de l’actuel propriétaire, Gilles Sermadiras, père de Patrick, d’y avoir insufflé sa fantaisie de décorateur. Sans se soucier de la tradition et des règles en usage, il inventa des formes absolument nouvelles et totalement inédites ! Depuis lors, c’est à qui s’est lancé dans les réalisations les plus étonnantes : non loin d’Eyrignac, voici Marqueyssac et ses moutonnements verts, ses massifs joufflus, ses courbes dodues mais aussi, en Bretagne, l’extraordinaire château de La Ballue avec son labyrinthe, le jardin de musique de Villandry, Champ de Bataille et son échiquier géant… L’une des plus charmantes extravagances se situe dans le Pas-de-Calais, aux jardins de Séricourt où les feuillages flous servent d’écrins à d’impeccables formes coniques, où les pétales de seringas et de roses tombent en pluie parfumée sur des boules de buis, où l’exubérance des asters et des soleils s’échappe des stricts festons de feuilles serrées et opaques. Ce jeu de contraste est l’une des plus jolies surprises de ce parc, mais on aime bien aussi les arabesques de buis doré, faussement classiques, et la folie douce d’un “salon de jardin” avec table basse garnie de coupes et d’une bouteille, sans oublier les fauteuils clubs et le canapé !

Les jardins suspendus des bobos

La France n’a pas l’exclusivité des topiaires ; on peut visiter l’Europe de boules en pyramides, de cônes en broderies : la Belgique avec le célèbre parc topiaire de Durbuy en Wallonie, 250 figures sur 10 000 mètres carrés (crocodiles, oiseaux, dame allongée, sirène, cerfs, et même un éléphant), l’Angleterre à Levens Hall, dans la région des Lacs, et surtout l’Italie, héritière directe des fameux arbustes de Sémiramis : Gamberaia, Boboli, Bomarzo, Frascati… C’est d’ailleurs la reine Marie de Médicis qui apporta cette mode florentine en France, où André Le Nôtre la codifia et la mit en scène à Vaux-le-Vicomte et Versailles.

Aujourd’hui, la topiaire est un signe extérieur de bobo-itude : les cafés, restaurants et hôtels branchés ne peuvent se concevoir sans Buxus Sempervirens taillés en vrille ou en pointe. Les terrasses de nos urbains chics et même les tout petits balcons ont leur mini-arbre toiletté comme un bichon frisé et la plupart des boutiques élégantes sont flanquées d’une paire de lauriers dans un pot très haut en faux zinc.

Avec ce raz-de-marée, les paysagistes, tel Edward aux mains d’argent, ont été pris d’une véritable frénésie et s’attaquent à tout ce qui pousse à portée de leurs ciseaux : lauriers, lilas, jasmin, lierre, olivier, saule, rien ne leur fait peur, même pas les feuillages caducs !

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