ACCESSOIRES

Les parures d’Omar Samat

1er mai 2020


Non loin de Bab el-Sebaa, l’une des sept portes fortifiées cernant la médina d’Essaouira [1] que se cache la boutique d’Omar Samat. Ou plutôt son micro atelier/échoppe, dont l’apparente modestie cache une grande créativité, une fois le seuil franchi.

Rien d’étonnant à ce que les collectionneurs du monde entier, parmi lesquels nombre de bijoutiers ayant pignon sur rue à Paris, Londres ou New-York, le considèrent comme LE grand maître joaillier de la “cité des alizés” !

Cocktail de traditions

Sautoirs, boucles d’oreilles, bracelets et bagues s’y dévoilent, les uns dans la vitrine au fronton de laquelle se détache en une calligraphie bleu marine un exotique "Tarza Bijoux Ethniques", les autres dans des vitrines dont les encadrements de bois moulurés semblent exhumés d’un inventaire à la Prévert. On y retrouve au premier coup d’œil ces trésors d’inventivité et de raffinement propres à la grande tradition du patrimoine joaillier marocain. En particulier, celui se rapportant à Essaouira qui ne cesse de raconter l’histoire si spécifique de cette ville, carrefour des cultures et des religions, avec un caractère et des savoirs hérités depuis des temps immémoriaux. Une mixité et un melting-pot d’influences qui ont d’ailleurs fait de celle que l’on appelait naguère Mogador, la capitale marocaine de la bijouterie au début du XXème siècle. Un magnifique cocktail de traditions juives amazigh [2] de la région du Haha [3], du Souss [4], et de la région de Marrakech.

Travail et culture livresque

Chez Omar Samat, cet orfèvre-joaillier, l’affabilité se conjugue à une vraie culture en matière d’art et de bijouterie liée à son pays. Il n’est qu’à voir la multitude de beaux ouvrages qui garnissent les étagères basses posées à côté de la banquette destinée à y converser et prendre le thé ! Et cela, depuis les plus de deux décennies qu’il se trouve entre les murs de son espace, mi-atelier de réparation de bijoux cassés ou à réadapter au goût du jour, mi-laboratoire de pure création !

La vallée de l’Ourika

Omar Samat n’est pourtant en rien issu de l’une de ces anciennes dynasties d’orfèvres, maîtres absolus dans le façonnage de l’argent et des pierres semi-précieuses [5] qui, des siècles durant, firent les très belles et très riches heures de la cité des alizés. Il n’est du reste pas natif de ce qui se nommait autrefois Mogador, "la bien dessinée" en traduction littérale, mais de la vallée de l’Ourika, un havre de verdure et de fraîcheur situé aux abords du Haut-Atlas, à une trentaine de kilomètres de Marrakech.

Autodidacte surdoué

Omar découvre l’art et la technique de l’orfèvrerie alors qu’il est encore un enfant. Une découverte due à sa rencontre avec un orfèvre itinérant juif comme il en existait beaucoup sur tout le territoire marocain. Venu planter son échoppe nomade dans le village où vivait son grand-père, le bijoutier, accompagné de son jeune fils et assistant du même âge qu’Omar, proposait aux habitants de réparer leurs bijoux d’argent, signes de statut social pour les populations berbères, ou de leur réaliser des parures sur-mesure.

Premières pièces

Les deux garçons se lient d’amitié et Omar se voit admis à observer de près le travail du bijoutier et découvre ainsi sa vocation. Après une scolarité menée jusqu’à ses quatorze ans, l’adolescent commence à créer à l’instinct ses premiers médaillons sur de simples morceaux de métal, avec pour seuls outils un couteau et un petit marteau. Encouragé par ses proches, il s’initie plus avant à la technique de l’orfèvrerie auprès d’un nombre d’artisans de la médina de Marrakech pas encore gangrenée par les pièces made in China qui y pullulent désormais...

Une rencontre providence

Sa main devenant plus aguerrie au fil des ans, ses réalisations attirent l’attention d’un Français alors installé dans la "ville rouge" surnommée ainsi en référence à la tonalité ocre d’une bonne partie de ses habitations. Il propose à Omar Samat une association afin de lui permettre d’aller plus loin dans sa démarche de création. Le succès est rapidement au rendez-vous.

Essaouira enfin !

Etudiant des détails d’architecture pour nourrir son inspiration, Omar se retrouve un jour de l’année 1994 à Essaouira, localité qu’il ne connaissait pas et pour laquelle il éprouve une immédiate passion. De retour à Marrakech, il n’a alors de cesse d’y retourner, avec l’idée de s’y implanter. Un second voyage le conforte dans sa décision et au troisième séjour, il s’installe.
Depuis, si son associé a préféré repartir pour la France, Omar Samat n’a plus quitté ce qu’il considère comme sa ville de coeur et d’inspiration permanente. Pour le plus grand bonheur des amoureux du beau et de l’authentique !

Philippe Dayan

[1La medina d’Essaouira fut construite à partir de 1764 par le sultan Mohammed III du Maroc, sur l’emplacement d’un comptoir commercial fondé au VIIème siècle avant J.C. par les Phéniciens

[2Berbère

[3Région d’Essaouira

[4Région d’Agadir

[5Omar travaille énormément l’améthyste, la turquoise, l’agate, le lapis lazuli, l’oeil du tigre, le diamant, l’onyx, l’émeraude, la cornaline, le jade

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