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Cimetière chic

28 octobre 2015

Malgré la douceur, nous sommes bien en automne. C’est la période de l’année où l’on visite les cimetières, les bras chargés de chrysanthèmes somptueux. "Le Monde comme il va" est allé au cimetière Montparnasse ...

Le cimetière Montparnasse a un petit snobisme personnel. Ce n’est pas le plus grand, le plus célèbre, ce n’est pas l’orgueilleux Père Lachaise avec ses tombes étranges comme celles d’Allan Kardec ou de Victor Noir, ses tombes célèbrissimes comme celle de Jim Morrison, d’Oscar Wilde ou de Rossini. Le cimetière Montparnasse a juste la prétention d’accueillir les intellectuels, Beauvoir et Sartre bien sûr mais aussi Cortazar, Baudelaire, Maupassant, Ionesco, Raymond Aron...etc Très chic.

Le repos de Célimène

Une des tombes les plus étonnantes est celle de Charles Pigeon, l’inventeur de la lampe, et sa femme : ils sont sur leur lit de bronze, comme vous et moi, elle dort et lui met au point sa lampe. L’alliance du génie et de l’amour conjugal. Une autre tombe mérite le détour, celle de Cécile Sorel, l’indéboulonnable Célimène qui continuait à minauder à l’heure où on devrait se consacrer aux confitures et à ses petits enfants. Un buste la représente, chapeautée, emplumée et bijoutée, impérieuse "comtesse de Ségur" dite Cécile Sorel.
Je me souviens d’une anecdote peu ou pas connue sur l’éternelle coquette racontée par un(e) témoin : désirant se faire tirer le portrait au fameux studio Harcourt à un âge déjà avancé [Elle est morte en 1966 à 93 ans], elle se fait belle et toute l’équipe est là pour la complimenter, l’entourer pendant que l’on fait les réglages de lumières de façon à flouter au mieux ses rides. Mais l’âge est passé et repassé et c’est bien le visage d’une vieille dame qui apparait. c’est alors que les magiciens du studio Harcourt se mettent au travail, dont la retoucheuse qui m’a raconté cette histoire.

Miroir, mon beau miroir

On lui ôte "une bonne vingtaine d’années" et quand elle revient, on lui montre une belle Cécile Sorel d’une cinquantaine d’années, pas plus. La diva regarde, manque de s’étrangler d’horreur et s’exclame "Mais c’est faux ! Je ne suis pas aussi vieille que ça ! Je n’ai pas toutes ces rides !". Elle refusa les clichés dont j’ai eu la chance de voir l’avant et l’après et qui montre comment on ne se voit pas lorsque l’on est devant son miroir.
Avant d’achever ce papier, regrettons que les fleurs de céramique aient été supplantées sur les tombes par les affreuses fleurs de plastique ou de tissu plastifié qui passent au soleil et à la pluie. Il y a beaucoup de douceur dans ces roses et ces pensées, dans les timides bouquets de violettes posés sur des dalles moussues et dans les iris orgueilleux. Avec le temps, beaucoup sont ébréchées, mais elles gardent intact le charme des objets faits pour résister aux outrages du temps.

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