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Crises croisées au Mali
24 avril 2012
Sous la crise politique et militaire actuelle au Mali se cache une grave crise alimentaire. Les récoltes ont été très mauvaises en 2011 dans toute la bande sahélienne, y compris le Tchad, et le déficit alimentaire en céréales serait d’environ 20% des besoins nationaux selon l’association Afrique Verte [1].
Au Mali, les récoltes ont été correctes au sud mais « les régions sahéliennes sont très affectées tant au niveau agricole que pastoral ». En outre, certaines villes comme Gao et Tombouctou ont été pillées par les rebelles, y compris les stocks de vivres. Selon l’ONU, il y aurait en avril 268 000 réfugiés et déplacés, dont 100 000 déplacés dans les pays voisins, Mauritanie, Burkina Faso, Niger. Les ONG humanitaires, le Croix-Rouge en tête, négocient avec les rebelles désunis, islamistes et indépendantistes Touaregs, l’ouverture de couloirs pour acheminer des vivres.
L’avancée du désert
Les crises alimentaires répétitives dans le Sahel ont plusieurs causes. Elles sont bien sûr liées à des cycles réguliers de sécheresse qui s’aggravent avec l’avancée du désert. Au Niger sévèrement touché en 2005, 2009, 2010 et 2012, le président Mamadou Tandja avait nié les faits et expulsé des organisations humanitaires en 2005. Autre cause fondamentale de ces crises, la croissance démographique exponentielle : 7 enfants par femme.
Au Mali, la situation est moins grave : pas de déficit alimentaire structurel. On y a longtemps accusé les cultures de rente - celles qui rapportent des devises - d’utiliser des superficies au détriment des cultures vivrières et tout particulièrement du coton même si ce dernier, grâce au système de jachère annuelle, permet des cultures vivrières en alternance. On note aussi l’emploi par certains paysans maliens d’engrais et des pesticides destinés au coton pour faire du maïs qui se vend bien dans les villes.
L’Office du Niger
Il faut noter l’importance dans la politique agricole malienne, de l’Office du Niger fondé dans les années 1920. Il a créé jusqu’à 100 000 ha de cultures irriguées dans le delta intérieur du Niger, avec une production de 500 000 tonnes de riz, mais il serait possible de faire plus. Toujours dans cette optique productiviste, l’ancien gouvernement aurait accordé 100 000 ha à une société libyenne Malibya, disparue avec la mort du « Guide Kadhafi » et il existe des projets américains et asiatiques. Le problème est qu’il n’y a pas assez de paysans par rapport à ces projets gigantesques.
Parallèlement certains pays d’Asie insistent sur le potentiel rizicole du Sahel et affirment que les Européens n’ont pas su y faire une « révolution verte » comme celle qui s’est produite en Asie. Les Japonais ont mis au point un riz hybride pour l’Afrique de l’ouest, le Nerica [2] croisement d’un riz asiatique et de la variété indigène ouest-africaine. Les Chinois proposent eux aussi un riz hybride à très gros rendement et le Mali rêve de développer l’agriculture grâce à l’aide chinoise, ce qui ne se fait pas pour l’instant.
Nomades et éleveurs
Le problème demeure que derrière cette multiplicité d’initiatives, il n’existe aucun plan d’ensemble de développement d’une agriculture vivrière qui permettrait au Sahel d’éviter dorénavant les crises alimentaires. La Stratégie européenne pour la sécurité et le développement au Sahel, adoptée en 2011, ignore entièrement cette question. De la même façon, il n’y a jamais eu la moindre réflexion sur l’élevage dans la zone saharienne alors que cette activité est vitale pour les nomades (Peuls, Touaregs, Maures et Arabes) qui ont toujours été négligés économiquement par rapport aux agriculteurs sédentaires, avant comme après la décolonisation [3]. C’est d’autant plus dommage que la demande de viande s’accroit sans cesse dans les villes du fait de la croissance démographique. Rappelons que les chèvres consommées à Bamako ont été élevées dans le Sahara par des jeunes filles Touaregs…
On ajoutera qu’une cause profonde du mécontentement dans le Nord-Mali est que les programmes de développement ont favorisé la partie « utile » du pays, celle où l’on fait les cultures de rentes sans le moindre respect pour les merveilleuses cité-états millénaires qui s’élèvent le long du fleuve Niger : Gao est devenu un lieu de trafic de drogue et de migrants vers l’Europe tandis que Tombouctou, Mopti et Djenné vivent du tourisme.
[1] 12-20 rue Voltaire, 93100 Montreuil. www.afriqueverte.org
[2] new rice for Africa
[3] voir à ce sujet http://www.lemondecommeilva.com/l-uranium-au-niger-2,344
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