62 Le petit porno du dimanche soir ?

22 juin 2011

Finalement, après un déjeuner rapide, ils se firent accompagner par Lelièvre au presbytère, situé au bout d’une allée bordée de bonnets d’évêque et de ronces dénudées. La grille avait été non seulement fermée mais renforcée et Beaudoin comprit la rancœur des gens du pays. Il y avait quelque chose d’insultant dans ces barres transversales neuves, dans les superpositions de barbelés et les caméras.
“Il ne manque que les miradors”, fit-il remarquer.
“Et le champ de mines !” ajouta Vogel.
Le chef jardinier ouvrit le cadenas et leur fit remarquer que les gonds ne grinçaient même pas.

Derrière ce qui serait sans doute une belle haie au printemps prochain, Vogel et Beaudoin découvrirent un terrain plein de trous et d’arbustes dans des sacs de plastique qui attendaient d’être plantés. Vogel lui souffla à l’oreille :
“A la Saint-Catherine, tout prend racine !”
“Ah bon ? Je croyais que l’on se contentait de fêter les célibataires.”
Le presbytère avait un petit air seigneurial qui avait dû plaire à Lucile. Cela tenait au toit très pentu qui s’achevait à une extrémité par un sorte de clocheton. Sur la façade, on avait arraché une superbe vigne-vierge qui gisait sur le sol en tas rouge sombre et doré.
“Elle était belle, dites donc !”
“Oui, mais cela ne valait pas la passiflore et le jasmin de Virginie. C’est comme les lupins, ce n’était pas assez beau pour elle, elle ne voulait que des rhododendrons pour faire irlandais. Le problème, c’est que ce n’est ni la terre, ni l’ensoleillement. Je crois que l’on était parti pour planter des rhododendrons tous les ans. Et comme rien ne poussait assez vite à son gré, elle nous accusait d’avoir bâclé le travail ou de lui avoir vendu de mauvais plants pour le prix de bons et il fallait tout recommencer.”

L’intérieur de la maison était plus surprenant encore car il ne correspondait pas du tout à l’extérieur. Ils comprirent pourquoi quelqu’un avait parlé de Dallas.
Beaudoin fit remarquer :
“Tu sais à quoi cela me fait penser ? A un décor de film porno des années 60 genre sado-maso-médiéval.”
“Tu en as vu beaucoup ?”
“A la télé seulement, avec des maitresses terribles et des peaux d’ours par terre, vers IIh sur M6.”

La salle principale était un fouillis de canapés couverts de fourrure, vraie ou fausse, de fauteuils crapaud fleuris, de petites tables couvertes de bibelots et de lampes aux abat-jour doublés d’or. Ils retrouvaient l’esprit de la rue Hautefeuille dans une même atmosphère de serre.
“Tu ne trouves pas qu’il fait très chaud, Beaudoin ?”
“Si, c’est étonnant pour une maison de campagne en novembre. C’est normal ?” demanda-t-il à Lelièvre qui faisait visiblement office de gardien.
“Madame Lannois voulait qu’il ne fasse jamais moins de 24°.”
“Et pourquoi ?”
“Comme ça. Pour nous emmerder. Pour montrer qu’elle avait les moyens, j’imagine. Elle disait que, quand elle arrivait, elle ne voulait pas attraper de maladie à cause de l’humidité.”

Ils continuèrent la visite. La cuisine sortait droit des pages d’un magazine de déco, la salle de bain aussi avec une baignoire immense qui faisait jacuzzi. Ils jetèrent un coup d’œil aux armoires de glace teintée rose thé pour donner bonne mine et y découvrirent comme à Paris une hallucinante collection de médicaments. Ils se dirigèrent vers une porte capitonnée comme celle d’un cabinet médical, mais pourpre.

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