47 Guêpière ou jupe plissée ?

15 mai 2011

Beaudoin passa le plus clair de son week-end, ou de ce qu’il en restait, à parcourir les dossiers de Lannois. Ce dernier avait, semblait-il, collecté méthodiquement tous les détails susceptibles de jeter le trouble. Difficile de savoir ceux qu’il avait déjà exploités car ses livres ne couvraient pas encore l’ensemble de la IVe République. Avait-il contacté en bloc tous ceux qui avaient des petites indélicatesses à se reprocher ou le faisait-il à mesure de l’avancée de son œuvre ? Il l’imaginait plutôt choisir la deuxième solution pour se garantir une rente à vie, c’était son côté notable de province, économe de ses chantages. Il se surprit à penser au rire de Alex : elle aurait opté aussi pour cette solution.

Mais malheureusement, lundi en fin de matinée, il n’avait toujours trouvé nulle mention de Saunders ni d’un de ses associés. Pas trace de mystérieuse et envoûtante créature, non plus. Il avait les doigts grisés et brillants d’avoir feuilleté trop de pages et sentait qu’il allait maintenant lui falloir comparer la liste de ceux qui étaient cités dans les dossiers avec les livres. La seule chose agréable était qu’il allait sortir pour trouver les ouvrages du maitre.
Il s’apprêtait à enfiler sa parka quand Vogel fit irruption dans son bureau.
“Beaudoin, la maitresse ! Elle vient de m’appeler ! Elle arrive. Je veux que tu sois là. Elle n’a pas l’air d’une emmerdeuse comme ta star préférée mais je me méfie de ces Parisiennes folles. ”
“Elle est journaliste aussi ?”
“Je n’en sais rien. Elle semblait très préoccupée, ce qui se comprend si elle a assassiné le vieux.”

Beaudoin sourit, Lannois était devenu "le vieux". A quand "Loulou-les-belles-noix" ? Le commissaire perdait son ton révérencieux d’Alsacien avec une rapidité étonnante.

La créature fatale n’en était pas exactement une. Aude Martinet pénétra dans le bureau presqu’à reculons, petite souris effarée de son rôle inattendu, serrant contre elle un sac Fnac. Elle aurait pu être une version grise de Laetitia de Neuville, même serre-tête de velours, même désir forcené d’être correcte mais elle n’avait aucune malice dans le regard, aucune envie de colporter le dernier potin avec gourmandise. Beaudoin lui avança le fauteuil en face de Vogel et s’appuya sur un classeur à rideaux de métal verdâtre.
“Si elle a des talents sexuels cachés, c’est une surdouée de la dissimulation,” pensa-t-il, en se souvenant des tiroirs débordants de lingerie de Lucile. Se pouvait-il que sous cette tenue de “Guide de France” se cachent les plus affolantes guêpières ? Devant les paupières qui papillotaient et le teint blême, il s’en voulut de ces idées et se concentra sur l’interrogatoire.
“Madame Martinet, pourquoi avez-vous désiré nous voir ?
“Mademoiselle. Je ne suis pas mariée.”
“Mademoiselle Martinet, pourriez-vous nous expliquer votre venue ici ?”

Non, ce n’était pas une de ces Parisiennes folles, c’était une fille qui s’était trompée de scénario et qui aurait voulu être ailleurs.

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