34 Du café empoisonné ?

13 avril 2011

Dans la voiture qui les conduisait avenue de Ségur, Vogel évoqua l’histoire des archives que détenait l’académicien.
“Vous croyez qu’on l’aurait empoisonné parce qu’il en savait trop sur quelqu’un ?”
“Pourquoi pas ? C’est un sujet encore très sensible. On peut démolir facilement quelqu’un en l’accusant d’avoir fait fortune dans les scandales politico-financiers de l’après-guerre...”
“Oui, mais Lucile ? Etait-elle au courant des archives de Lannois ?”
“Je n’en ai pas la moindre idée et Lannois n’est pas en état de nous le dire. Mais on a pu vouloir l’intimider.”
“Défoncer le crâne de sa femme pour l’empêcher de parler ? C’est assez radical en effet ! Mais on aurait mieux fait de commencer par lui. Et puis on ne sait si cet empoisonnement est accidentel, criminel ou s’il a cherché à se suicider.”
Ils furent accueillis par une femme de ménage en deuil. Elle les conduisit au salon où les attendait Alice Macloux, les yeux gonflés. Perdue dans un immense mouchoir, elle expliqua en reniflant comment elle avait découvert son père inconscient
“L’aviez-vous vu ce matin avant de partir ?”
“Bien sûr, je suis allée le saluer vers huit heures. Il allait prendre son petit déjeuner.”
“Qui le lui prépare habituellement ?”
“Lui ou Consuelo, la femme de ménage. Je n’imagine pas Lucile ayant jamais rien fait de ses mains, même pas une tasse de café.”

“Consuelo est la domestique de votre père ?”
“Non, celle de Lucile. Elle partageait son temps entre les deux appartements.”
“Elle aimait votre père ?”
Alice lui jeta un regard qui signifiait clairement qu’elle ne s’était jamais penchée sur les états d’âme de Consuelo.
“Interrogez-la, c’est le plus simple.”
“Aimait-elle Madame Delarue ?”
“Comme tout le monde, j’imagine ! Comme quelqu’un qui doit supporter des caprices imbéciles à chaque instant. Il ne devait pas y avoir pire patronne que Lucile,” cracha-t-elle.
Vogel et Beaudoin commençaient à se demander si l’entourage n’allait pas se cotiser pour offrir une récompense à l’assassin de Lucile dès qu’ils auraient mis la main dessus. Ils allèrent retrouver la petite Portugaise endeuillée qui briquait sans conviction les fenêtres de la cuisine. Elle raconta comment elle avait porté son café à Monsieur avec ses médicaments pour le cœur. Il avait l’air normal. Il n’avait rien dit. Il semblait pressé de se remettre à travailler. Non, elle ne l’avait pas vu boire ni manger. Elle s’était occupée de la litière de Schéhérazade qui miaulait comme une perdue depuis le décès de sa maitresse.
“Et vous, vous aimiez Madame Delarue ?”
“Il faut travailler, Monsieur.”
“Vous portez le deuil pourtant ? C’est pour faire plaisir à M. Lannois ?”
—  Elle les regarda fixement avant de hausser les épaules.
“Si vous voulez...”
“Nous ne voulons rien de particulier. Si ce n’est pas la raison de votre deuil, nous sommes désolés.”
Elle se concentra sur une petite tache sur un carreau, frottant avec une énergie désespérée.
“C’est pour le bébé.”

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