GOURMANDISE

Tea for two

5 novembre 2012

Nous avons déjà parlé de l’exposition du musée Guimet sur le thé [1] et, à la lecture des articles de nos confrères, nous revenons sur cette boisson qui n’a sans doute jamais été autant célébrée, ni aussi malmenée.

Le thé est devenu un signe extérieur de bobo-itude. Personne entre le quai de Valmy et la rue Oberkampf ne se hasarderait à dire que le thé ...n’est pas sa tasse de thé ! Le thé, en 2012 à Paris, c’est sacré. Pas au point de suivre une vraie cérémonie du thé la japonaise qui dure 3h et durant laquelle on garde la position agenouillée mais, en aucun cas, le thé ne laisse indifférent. Nous avons tous notre thé préféré, notre marque, notre théière, nos tasses ou mugs, notre réputation est à ce prix. C’est pourquoi quand un "lieu" s’ouvre qui se prétend plus ou moins salon de thé et de café, et qui n’a pas de choix digne de ce nom, on ricane ! Craft [2], "tiers lieu" [3] comme l’appelle classieusement le patron, ne propose que quatre espèces de thés et autant de cafés. C’ est un peu léger dans cette optique (même si le cappuccino est une merveille !).

Chacun son thé

Bref moi je suis Dammann, et toi ? Kusmi ? Moi je me fais livrer par Mariage Frères. Tu prends du sucre ? L’un ne boit que du thé vert parce que c’est anti-cancer, l’autre du noir parce que c’est comme ça qu’il a appris à l’aimer en Angleterre durant un séjour linguistique. Il y a aussi les fous du blanc et les fondus du matcha. Et le Pu-er, vous en pensez quoi ? Ensuite, théière en fonte, en terre de fer, en pyrex, en porcelaine... C’est sans fin alors qu’en fait, dans la vraie vie, celle que l’on vit dès que l’on quitte le canal St Martin et ses environs proches, on n’a le droit qu’à du Lipton en sachet, mis directement dans une tasse d’eau plutôt chaude, mais pas toujours.
Pour avoir voyagé un peu partout, nous pouvons dire que le bon thé se fait de plus en plus rare et que peu à peu, même et surtout en Grande Bretagne, on voit apparaitre ces hideux coffrets en faux bois précieux, garnis de sachets de poussière aux noms d’autant plus ronflants que l’infusion va être fade : Lueurs de l’aube sur le Mékong, Ondée sur la forêt primaire, Elixir du mandarin calligraphe, Pointes d’argent au souffle de néflier...etc

Autour du monde

A Londres bien sûr, quelques hôtels organisent encore des Five o’clock tea à l’ancienne : le Brown’s en est un bel exemple mais cela n’a que peu à voir avec le plaisir d’une simple mais bonne tasse de thé. On s’installe dans un fauteuil crapaud et on se laisse gaver de sandwiches au concombre, de petits choux écœurants et de champagne !

Les pays qui respectent encore la tradition du thé sont, en vrac et selon nos souvenirs, la Chine où j’ai vu des serveurs passer avec des théières à très long becs entre les rangs de l’opéra de Chengdu pour verser à distance. Sans qu’une goutte ne tombe à terre. J’ai dégusté aussi des thés délicieux, rallongés d’eau à l’infini, dans des thermos à fleurs, dans le parc d’un temple sur les flancs de l’Emei-san, sans oublier tous les verres en duralex oubliés ici et là, dont l’un dans une minuscule salle de jeu de Leishan où j’ai essayé d’apprendre à jouer au mah-jong en attendant la fin d’un orage.
Avec la Chine, le Vietnam et la Malaisie, sans oublier le Japon. Et la Russie où le samovar bouillotte toujours dans un coin. Et l’Inde. A part ça, c’est le règne de la poussière de feuilles de thé, du moins, on espère, mise dans une tasse d’eau tiédasse, parce que la théière, c’est bien compliqué ! La question qui se pose dans les hôtels du monde entier à l’heure du petit déjeuner se résume souvent à : "Qu’est-ce qui va être pire pour commencer la journée ? Le mauvais café ou le thé sans goût ?

[222, rue des Vinaigriers, Paris 10

[3Ni la maison, ni l’entreprise, mais un endroit où travailler hors de chez soi avec son ordi.

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