82 Amour toujours

29 août 2011

Elle se redressa et le fixa d’un œil froid tout à coup.
“Ne dis pas cela s’il te plait. C’est faux même si tu ne t’en rends pas compte. Je suis ici aujourd’hui mais tu ne sais pas qui sera à ma place demain.”
“Si : toi ou personne,” répondit-il comme un enfant buté.
Elle lui sourit avec indulgence.
“Quel bébé tu fais ! D’accord pour demain mais disons… dans quelques temps.”
Comme il allait lui jurer que jamais il n’y aurait d’autre femme qu’elle, elle laissa glisser la couette et apparut, sculpturale et il oublia tout ce qui n’était pas ce corps.
Ils se remettaient doucement quand le téléphone se mit à sonner.
“Très chandlerienne cette sonnerie dans le soir qui tombe !” remarqua-t-elle tandis qu’il attrapait le combiné qui trainait par terre, sous ses habits.
“Beaudoin ? C’est Vogel. Si tes pas te mènent dans le quartier du crime, peux-tu aller voir la concierge, elle s’énerve pour une histoire de placard à balais dans l’immeuble de Delarue. Vois ce dont il s’agit et calme-la.”
“D’accord, c’est pressé ?”
“Oh, plus rien dans cette affaire n’est vraiment pressé. J’ai eu un appel de la fille Lannois. Apparemment, il va rester gâteux ou pas vraiment mieux, et je ne sais même pas si c’est vrai.”
“Pourquoi mentirait-elle ?”
“Je ne sais pas. Elle avait l’air presque triomphant pour m’annoncer que son père ne recouvrerait jamais ses facultés mentales et qu’elle allait l’emmener chez elle, à la Roche-sur-Yon ou ailleurs. Bizarre si on aime son père.”
“Pas si elle craint de le revoir cavaler partout dès qu’il ouvre une paupière. Là, il sera bien à elle.”
Beaudoin entendit un petit rire au bout du fil.
“Tu deviens très fin psychologue au fil de cette enquête décidément !” Et il raccrocha.

Pendant la conversation, Alex avait disparu à la salle de bain et quand elle en ressortit, elle semblait prête à partir à un rendez-vous : rouge à lèvres impeccable, cheveux brossés et vêtements en ordre. Il lui annonça qu’il la raccompagnait en voiture, ordre du chef.
“Vogel t’a dit de me ramener en voiture ?”
“Non, pas exactement mais je dois passer à l’immeuble de Lucile pour calmer la gardienne.”
“D’accord, tu me laisseras à Odéon si tu veux.”
“Je peux aller jusque chez toi, tu sais.”
Elle fit "non" de la tête et il se souvint qu’elle était "honorablement connue dans son quartier" comme on dit dans les journaux, et qu’elle n’avait aucune envie d’être vue avec lui. Malgré ce discret rappel à l’ordre de la réalité, il se rhabilla dans l’euphorie la plus complète, enchanté d’avoir un prétexte pour rester en sa compagnie un peu plus longtemps.
Quand elle descendit à Odéon, il lui fit signe de la main à travers le pare-brise et elle lui répondit de sa main gantée de rouge avant de s’engouffrer dans l’escalier du métro. Heureux comme un roi, il laissa sa voiture sur le premier passage clouté venu et partit à longues enjambées vers la rue Hautefeuille. Comme il avait oublié le digicode, il se mit à tambouriner avec l’entrain que donnent une après-midi de bonheur et la perspective de beaucoup d’autres encore. Dommage qu’il habite à Saint-Georges. Même pour faire son droit, il était un peu loin. Il faudrait qu’il se renseigne sur les tarifs de la rive gauche.
“Ah ! ça va ! ça va !” on a compris ! s’insurgea une voix au fort accent du sud-ouest derrière la porte cochère. “C’est pourquoi ?”

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