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Sud-Soudan, paradis des ethnologues

3 juillet 2011

N’en déplaise à ceux qui refusent toute idée de « tribu » ou d’ « ethnie » et qui s’imaginent que tous vont se fondre miraculeusement en une seule nation, parce qu’elle est reconnue par l’ONU, le Sud-Soudan est une mosaïque d’une quarantaine de groupes aussi différents que les Danois le sont des Siciliens, autant pour la langue que le style de vie.

Dans le Haut Nil Blanc, les premiers explorateurs au XIXe siècle ont été fascinés par ces peuples qui vivaient au milieu de la végétation flottante des marécages, entièrement nus, debout sur une seule jambe comme les échassiers, appuyés sur leur lance.

Spécialistes du monde nilotique

Le royaume Shilluk, dans l’ancienne Fachoda [1], a longtemps servi d’intermédiaire avec les Européens de passage et les colonisateurs égyptiens. La mise à mort rituelle de leur roi sacré a inspiré Sir James Fraser, dans le Rameau d’or.
Entre les deux guerres, de grands ethnologiues d’Oxford se sont rendus sur place, Charles Gabriel Seligman d’abord et surtout Sir Edward Evans-Pritchard qui a étudié la sorcellerie des Azande puis le peuple Nuer [2], à la demande de l’administration britannique qui ne parvenait pas à les pacifier. C’est là qu’il a développé ses théories célèbres sur les sociétés « segmentaires », c’est-à-dire sans chef ni pouvoir politique centralisé.
Pendant la guerre civile (à partir de 1985), une ethnologue américaine, Sharon Hutchinson a résidé à son tour chez les Nuer, en montrant la militarisation et la monétarisation de la société à la fin du Xxe siècle [3]. Dans la suite des travaux de Godfrey Lienhardt qui a pris le relais d’Evans-Pritchard dans le domaine de l’ethnologie nilotique à Oxford, le livre le plus synthétique sur les Dinka a été publié en 1970 par un Dinka, l’ambassadeur Francis Mading Deng, fils d’un chef traditionnel, qui occupe depuis de hautes fonctions à l’ONU [4].
Récemment, le Pitt Rivers Museum d’Oxford a monté un site de photos et d’objets sur les cultures du Sud-Soudan. On peut consulter notamment des collections photographiques uniques au monde [5].

Shilluk, Dinka et Nuer

Les Shilluk qui vivent sur des terres relativement sèches, ont des traditions de cour royale comme les Azande et se reconnaissent à leur manteau drapé sur l’épaule et à leurs scarifications en forme de perles au-dessus des sourcils. Ce sont avant tout des guerriers, même si comme leurs voisins, ils sont également éleveurs et agriculteurs. Ils ont peu participé à la guerre contre le nord et ont subi, en 2010, les représailles du SPLA [6] pour anéantir une amorce de rébellion ethnique.

Les Nuer, eux, vivent isolés au milieu des marécages du Nil Blanc, entourés par les Dinka qui mènent exactement le même genre de vie. La différence est que ces derniers ont mieux accepté la présence des colonisateurs égyptiens et britanniques.

Chez les Dinka comme chez les Nuer, il n’y a aucune autorité centrale et tout est dans la richesse du troupeau familial : pour se marier, il faut offrir des bêtes au père et à la mère de la jeune fille ainsi qu’à d’autres membres de sa famille. Suivant les époques, le prix de la fiancée varie et récemment il s’élevait à 60 têtes de bétail contre 40 dans les années 30 selon Evans-Pritchard.
Chaque Nuer et chaque Dinka a un taureau favori dont il prend le nom lors de l’initiation, et l’une des occupations traditionnelles les plus importantes consiste à en chanter les louanges et lui déclamer des poèmes. Wilfred Thessiger, administrateur colonial en pays Nuer à partir de 1937, fut tellement apprécié pour ses qualités de chasseur qu’il eut droit aussi à un taureau et les Nuer ne l’appelèrent plus que par le nom de son taureau [7].

Autre caractéristique Nuer et Dinka, les hommes se décoloraient les cheveux en blond dès leur plus jeune âge, sauf s’ils étaient en deuil, usage qui a disparu, remplacé par le port de collants rayés et de lunettes de soleil !

Alek Wek, la plus célèbre Dinka

[1aujourd’hui Kodok

[2The Nuer, OUP, 194

[3Nuer Dilemmas, University of California Press, 1996

[4 The Dinka of the Sudan, édition révisée 1984, Long Grove, Ill. Waveland Press

[6Sudan People’s Liberation Army

[7The Life of my Choice, Wilfred Thesiger, Flamingo, 1992, p.266

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