TOURISME

Soulac au bout du monde

17 septembre 2010

Quelle meilleure formule que celle d’Eric Holder, De loin, on dirait une île [1] , pour évoquer Soulac et cette région ambiguë dont le nom seul fait briller les pupilles des amateurs de vin : le Médoc…

Vu de près, le Médoc est une terre qui s’alanguit entre Gironde et Atlantique, entre parcs à huîtres et bars de ligne, aux joncs courbés par le vent le long de chenaux, aux prairies d’herbes hautes où galopent des chevaux. “J’écris Polders”, comme l’écrit Gide à la fin de Paludes. Et soudain, les pins se dressent annonçant les dunes et les rouleaux de l’océan. Le bout du monde malgré quelques paresseuses tentatives d’élus locaux, tendance RPR, voire même UNR. Ici, on fait de la décroissance sans le savoir, sans être conscient de la branchitude qu’il y a à laisser rouiller ces énormes grues, plantées au Verdon dans l’espoir d’y attirer des porte-conteneurs. Elles sont là, squelettes inutiles d’une idée que la population a repoussée d’un bloc. Pas de port méthanier. Ni de pont non plus. Le Médoc se mérite, on y vient « avé le bac » qui relie la pointe à Royan. Ou l’on fait le grand tour par Bordeaux.

Sur le chemin de Saint-Jacques

Souvenirs de ces intentions de développement jamais abouties, Soulac compte quelques immeubles très laids, comme des verrues de béton plantées face à la mer. Des clapiers lézardés et partiellement inoccupés, qui se voulaient les prémices d’un Saint-Tropez local, flanqués d’œuvres d’art, datées elle aussi, de faux Dubuffet aussi ennuyeux que les vrais. Le casino fait partie de ces essais infructueux, poignant avec son air de supérette dont on sait que jamais 007 ne foulera la moquette acrylique, ni même Jean Dujardin OSS 117. Autre survivance de cette frénésie bétonneuse, des routes à quatre voies qui ne mènent nulle part, un peu comme l’ineffable Route infinie de l’Histoire, œuvre emblématique de Sékou Touré, reliant par deux pauvres voies l’aéroport au centre de Conakry.

Mais face à cette décrépitude, face à une région dont le héros le plus flamboyant n’est autre que Bob Denard [2] le mercenaire connu pour ses tentatives de coups d’état ratées, dont une mémorable à vélo, plus de 1000 km entre le Katanga et Kinshasa, il y a la belle basilique de la Fin des Terres, qui accueillait les pèlerins anglais de Saint-Jacques, et l’océan. L’océan sculpte la côte, la grignote ici et dépose plus loin des langues de sable. Il abat des villas, mais invente des îlets comme celui qui est apparu dernièrement au pied du phare de Cordouan. Mais, globalement, la mer emporte plus qu’elle ne dépose, trois mètres chaque année environ, et l’association Vivre à Soulac s’inquiète de la désinvolture de la municipalité qui laisse s’installer des terrains de camping sur la dune.

Le charme de la vie lente

Quant à la ville de Soulac elle-même, elle mélange l’exotisme de maisons à véranda, soulignée de lambrequins découpés, au charme de l’Art Nouveau, avec des plaques émaillées, le tout formant ce que l’on appelle dans la région les « soulacaises », du temps où l’avenir de la station s’annonçait brillant et thermal. On viendrait faire des cures héliomarines et le soir, on jouerait à la roulette…

En fait, ici, chacun se construit son petit paradis, pas vu, pas pris, derrière les haies de tamaris, de lauriers ou de mimosas. Certaines demeures sont orgueilleuses, bâties pour de florissantes et nombreuses familles, d’autres ressemblent à des maisons de poupées, mais chacun y trouve la paix et le grand air.
D’une année sur l’autre rien, ou si peu, ne bouge. Cela permet de rappeler que l’on vient ici pour se déconnecter, pour tout oublier hormis la mer et les mouettes, maîtresses absolues du rivage.

Rebecca

La bonne surprise cet été est l’ouverture d’une boutique formidable, la Librairie de Corinne (7, rue André Leroux. Tél. : 09 75 95 86 54) faite par et pour les amateurs de livres. Pas juste des consommateurs, et c’est infiniment agréable. Elle devrait devenir une institution, rejoignant le glacier Judici (15, rue de la Plage. Tél. : 05 56 09 81 48) au panthéon des adresses incontournables d’une région qui n’en compte pas tellement. N’oublions pas l’hôtel des Pins (L’Amélie. Tél. : 05 56 73 27 27 et www.hotel-des-pins.com), rendu célèbre par la BD Quelques mois à l’Amélie de Jean-Claude Denis, où il doit faire bon venir passer quelques jours en pension complète hors saison et le Bar des Amis (35, rue Trouche. Tél. : 05 56 09 87 83), idéal pour une dégustation de Loupiac en terrasse, avec un peu d’excellente charcuterie tout en consultant ses mails puisque c’est l’un des seuls endroits connectés.
Pour tout renseignement, voir le Géoguide Bordelais Landes de Gallimard.

Deux façons de se rendre à Soulac en voiture :
Passer par Bordeaux et ensuite prendre la route du Verdon, la D1215, c’est assez long et fastidieux, sauf si on en profite pour improviser une route des vins.
Passer par Royan et traverser la Gironde par le bac. Succès garanti auprès des enfants. À l’arrivée au port du Verdon, prendre la D1215 pendant 10 km environ.

Par le train, on peut aussi choisir l’option TGV pour Bordeaux, même si la grande vitesse s’arrête à Poitiers et ensuite, on finit par la petite ligne Bordeaux-Le Verdon qui prend 2 h 30 pour une centaine de kilomètres.

[1Le Dilettante, 2008

[2fr.wikipedia.org/wiki/Bob_Denard

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