51 La diva du people

25 mai 2011

Il n’était pas si simple de faire une visite de courtoisie à Marcel Saunders. Quand les deux policiers arrivèrent rue du Caire, le patron était à l’imprimerie en banlieue. Vogel décida de rester à l’étage directorial et envoya Beaudoin se promener chez ses "groupies de l’immeuble voisin".

Quand il pénétra à la rubrique "Boutiques", il les retrouva telles qu’il les avait laissées : Claudine et son demi-sourire au dessus de l’écran de l’ordinateur, Marie Bouillot furetant d’un placard à l’autre comme une souris en quête d’un morceau de lard rance et Laetita faisant des mondanités au téléphone. Seule Ginette avait changé. Comme Alex l’avait prévu, elle avait pris la place de Lucile. Ses pieds chaussés d’escarpins de faux lézard reposaient enfin sur le petit tabouret spécial jambes lourdes de la défunte et la photo géante de Schéhérazade avait été reléguée face au mur. En voyant apparaitre l’inspecteur dans le rétroviseur, elle se leva et balbutia :
“C’est provisoire mais le téléphone sonnait sans arrêt. J’ai jugé plus simple...”
“C’est curieux que vous n’ayez pas la possibilité de balancer les appels d’un poste à l’autre,” répondit-il par pure perversité et il attendit qu’elle soit devenue rouge comme une pivoine pour traverser le palier.

Il retrouva les journalistes "santé" en train de décortiquer le dernier pavé sur le micro-lifting et l’amour à cinquante ans. A côté, celles de la cuisine en étaient au moins au pousse-café. Christine Pierre congestionnée au delà du raisonnable faisait tremper ses mégots de Gitanes dans des coupes de champagne en couvant d’un œil jaloux une assistante en battle-dress aux cheveux gris et courts. Beaudoin continua son chemin après les congélateurs pleins de glaces, les placards débordant de sauces Paul Newman et le fax. Il croisa Jeanne Riguidel qui sortait des toilettes et qui le salua avec son ravissement habituel puis il continua vers une porte entrouverte qu’il n’avait jamais vue que fermée à clef.

Il frappa et entra avant que qui que ce soit n’ait répondu. La grosse femme à la chevelure teinte en acajou ne leva même pas la tête de son bureau directorial. C’était une curieuse pièce aux meubles luxueux, comme un placard chic en bout de couloir pour quelque divinité journalistique sourcilleuse. Une secrétaire prenait sous sa dictée :
“Vanessa Paradis nous est alors apparue dans un fourreau seconde peau couleur de ses yeux...”
Beaudoin se gratta la gorge et entendit sortir de sous la frange :
“Tell zis man I am not ire”
A sa stupéfaction, la secrétaire lui jeta un regard éploré et traduisit l’anglais approximatif
“Madame de Lombroso n’est là pour personne”.
“Madame, laissez-moi me présenter, Inspecteur Beaudoin de la Police Judiciaire.”
“Please, tell im I am not interested.”
“Madame de Lombroso..”
“Je ne vends pas des savonnettes,” interrompit-il brutalement“ et je comprends très bien l’anglais, surtout celui-ci !”

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