48 La mort rôde

18 mai 2011

“J’ai rencontré Louis Lannois il y a quelque temps. Il venait de se remarier, je crois. Je l’ai vu à la fête des livres du Bon Marché. Il parlait avec un de mes anciens profs de fac, j’ai dit bonjour et voilà !”
“Voilà ?”
“Ecoutez, cette histoire ne me concerne pas. J’aurais dû partir en courant mais il m’a fait miroiter une intégration dans le groupe Saunders. Il l’aurait fait, j’en suis sûre. Comme pour madame Delarue. Saunders n’avait rien à lui refuser, disait-il. Mais elle a commencé à le faire suivre par un détective privé, à le mettre sur écoute téléphonique. C’était fou. Je lui ai dit qu’il fallait arrêter tout mais il ne voulait pas. Il disait que... Enfin, c’est compliqué. Il disait qu’elle se calmerait. Je ne la connaissais pas vraiment mais elle n’était pas du genre à se calmer et il le savait parfaitement. Mais il voulait me garder pour lui.”
“Quel âge avez-vous ?” l’interrompit Vogel qui, à 52 ans, ne s’imaginait pas faire la cour à cette gamine.
“Ce n’est pas la question. L’amour n’est peut-être pas ce que vous croyez .”
“Etre la maitresse d’un homme a un sens assez précis pour moi mais je me trompe sans doute. Expliquez-moi !”

Aude Martinet rougit violemment et se tourna vers Beaudoin comme un animal pris au piège.
“D’accord, j’étais sa maitresse, d’accord j’ai 28 ans, mais c’était autre chose. J’étais sa fille.”
“Je croyais qu’il en avait déjà une.”
“Bien sûr, mais elle est âgée, elle a des enfants déjà grands.”
“En fait vous auriez pu être sa petite-fille plutôt que sa fille.”
Et soudain, elle s’effondra. Beaudoin comprit la réputation de dureté de Vogel. Jusqu’à présent il l’avait vu un peu désarçonné dans un milieu qu’il ne connaissait pas. Mais il apprenait vite et dès qu’il aurait compris Paris et ses tics, Marie-Caroline, Jeanne Riguidel, Ginette Brons et les autres n’auraient qu’à bien se tenir. Il écarta automatiquement Alex de la liste. Elle ne se tiendrait jamais bien, il en était sûr.

Aude sanglotait doucement, tassée comme un poupée de chiffon sur le fauteuil de skaï. Il ne parvenait pas à la plaindre, sentant derrière ces larmes la déception de n’être sans doute jamais intégrée dans le groupe. Personne ne viendrait la chercher pour ses talents ni pour sa personnalité.
“Je pensais qu’avec sa mort tout serait plus simple. Hier, il m’a appelée comme tous les matins. Mais il était particulièrement nerveux, fatigué, il voulait me confier quelque chose. En fait, depuis qu’elle a été assassinée, il avait peur, je crois.”
“Il vous a dit de quoi ?”
“Non. Quand je suis arrivée, il venait de finir son petit déjeuner. Il y avait des dossiers un peu partout, sur son bureau et sur les fauteuils. Il m’a expliqué que cela représentait une vie de recherche et qu’il aimerait m’en confier une partie, la plus précieuse, car il craignait je-ne-sais-quoi. Il était très agité et pour le calmer je lui ai dit que je rangerais ce qu’il voulait chez moi et qu’il pourrait le récupérer quand il en aurait envie. C’était un porte-document marron. Celui-ci.”

Bookmark and Share


form pet message commentaire
Qui êtes-vous ?