45 Entre Libourne et Tegucigalpa

10 mai 2011

Beaudoin la regarda absolument suffoqué.
“C’est contagieux la mythomanie ? Personne ne m’a parlé de son père, ni de Tegucigalpa.”
“Personne ne le sait peut-être et je ne pense pas que cela ait grand rapport avec ce qui vous occupe pour l’instant. Je n’imagine pas un tueur latino débarquant rue Hautefeuille avec sa navaja”, déclara-t-elle en éclatant de rire.

Elle le regardait d’un air ravi. Il l’avait soupçonnée. Il avait écouté les divagations de Marie Bouillot. Il jouait au jeune inspecteur copain, par contraste avec Vogel le rugueux. Maintenant, elle se permettait de s’amuser franchement de sa stupéfaction.
“Ce qui est intéressant, c’est que chacune d’entre nous détient une parcelle de la vérité sur Lucile mais que personne n’a le puzzle en entier.”
“A part vous peut-être”.

“J’en sais plus que les autres parce que chacune est venue me confier son petit secret : la corruption, la revente de certains bijoux extorqués, la maman marchande de boutons en province, les écoutes téléphoniques, la maitresse... Le seul que je détienne en propre est la mort de son père, dans des circonstances très obscures au Honduras. Elle voulait récupérer des montres que son défunt papa aurait collectionnées. D’une grande valeur, bien sûr.”
“Et le chantage auprès de Saunders ?”
“Ce n’est qu’une hypothèse parce que je n’ai jamais compris pourquoi elle était inatteignable. Mais vous êtes parvenu à la même conclusion, et plus rapidement que moi !”
“Travailler dans la police fait perdre sa candeur assez rapidement.”
“C’est un peu plus long dans le journalisme ou alors, je suis particulièrement lente. Mais je crois surtout que je ne pouvais, ni ne voulais, voir tout cela plus tôt. ”
“Ne me dites pas que votre lucidité date de l’assassinat de Mme Delarue.”
“Non.”

Ils étaient revenus sur leurs pas, retrouvant le tapis de feuilles rousses des allées de l’Observatoire. Beaudoin regardait Alex marcher le nez en l’air, à nouveau indifférente à l’affaire Delarue. Rien ne semblait l’intéresser plus que les oiseaux qui voletaient d’une cime de marronnier à l’autre.
“Vous allez continuer à travailler au magazine ?” lui demanda-t-il pour la ramener sur terre.
“Je ne pense pas que ma réponse soit indispensable à la bonne marche de votre enquête.”
“Non, mais vous n’avez pas, à l’évidence, la moindre estime pour l’équipe, même depuis la disparition de Lucile Delarue.”
“Cela ne veut rien dire : la folie que déclenche une miette de pouvoir me fascine toujours autant. Seulement je me demande si j’ai envie d’assister à l’empoignade pour la succession. Ginette croit qu’elle est le dauphin naturel et je suis persuadée que Riguidel a d’autres projets. Telle que je la connais, elle a dû faire des promesses à une demi-douzaine de pauvres sottes dont Vanessa, Adeline et moi. Au dernier moment, elle va sortir un pion à elle. Les autres sont folles, Lucile en tête, mais Riguidel est très consciente du mal qu’elle fait et apparemment il n’y a que ça qui la fasse vraiment jouir !”

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