36 Petit traité d’adultère bourgeois

17 avril 2011

“Chez Madame jusqu’à 5h ou 6h. Elle voulait que je repasse un chemisier compliqué. En soie avec un col à dentelle pour son tailleur rose. Je devais chercher Antonio à l’école mais elle voulait pas me laisser partir. J’ai demandé à ma belle-sœur d’y aller.”

“Vous n’êtes donc pas rentrée chez vous à l’heure habituelle.”
“Non, mon fils était avec ma belle-sœur, j’ai profité pour faire des courses. Ma belle-sœur a l’habitude : Madame veut jamais que je parte. Elle trouve toujours un truc à faire. Un vêtement à repasser. “Vite ! Consuelo. J’ai une réception chez des gens importants”. Ils sont toujours importants ses gens. Le lendemain, elle l’a pas porté mais comme ça, j’ai raté la sortie d’école d’Antonio. Je crois qu’elle aimait ça. Faire mal.”
“Quelqu’un vous a vue à l’heure du crime ?”
“Non.”
“Et ce matin, vous étiez seule avec Monsieur ? Vous lui avez donné son petit déjeuner ?”

Consuelo ne cilla pas. Elle avait dans les yeux une sorte de douceur apitoyée.
“Vous croyez que je les ai tués ? L’Eglise, c’est pas “œil pour œil”, si ? Je veux partir, c’est tout. Retourner chez nous à Coimbra si je retrouve pas une maison ici. Je ne veux pas partir chaque fin de semaine nettoyer le petit château de Normandie. Arracher les herbes. Balayer les traces de pattes du chat. Désinfecter par terre. Je ne vois plus mon mari et mon fils. Donc, c’est fini.”

Elle n’avait pas l’air plus inquiète d’être accusée qu’Alex Lombard. Elle trouvait comme cette dernière que l’hypothèse était amusante mais ne la concernait pas. Vogel commençait à être fatigué de ces femmes tranquilles qui semblaient sincèrement désolées de ne pas faire l’affaire et de lui laisser son problème sur les bras. Il quitta la cuisine avec Beaudoin et poussa un gros soupir.
“Tu ne la vois pas non plus écraser la cervelle de sa patronne ni verser le bouillon d’onze heures à notre habit vert, c’est ça ?”
“C’est ça.”

A ce moment, Consuelo toussota dans leur dos.
“Je ne suis pas seule avec Monsieur ce matin. Quelqu’un est venu. Monsieur a téléphoné quand sa fille est sortie. Il m’a dit : “Occupe-toi de Shéhérazade, elle est triste”. Si on sonnait, il ouvrira. Il attend un "professeur". Il habitait pas loin le professeur. Il a sonné cinq minutes après et il sentait le parfum.”

“Vous l’avez déjà rencontré ?”
“Jamais.”
“Je sais qu’il avait une autre femme. Madame a pleuré, a crié. Elle disait “J’ai perdu ma vie pour toi”. Monsieur a dit que c’est fini mais moi, je ne le crois pas. Un homme comme lui a toujours une autre femme en plus de sa femme. Madame est morte, l’autre arrive. Pour Madame, c’était pareil. Il trouve un appartement à côté. C’est très pratique.”

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