33 Archives compromettantes ?

11 avril 2011

“Elle aurait voulu installer ses bibelots hideux sur les meubles de famille. Elle a même fait venir un de ses décorateurs préférés, un homosexuel minaudant comme elle les adorait, pour tout "remettre en état". Nous avons prévenu Père que si elle changeait quoi que ce soit, il ne nous verrait plus, nous et ses petits-enfants. Alors, elle a essayé de séduire mes enfants et ceux de mes frères. Elle jouait à la grand-mère comme Marie-Antoinette à la bergère mais, en fait, elle n’a jamais aimé que son chat de gouttière. Ils allaient bien ensemble ! Même extraction et même goût de luxe ! Elle avait fait faire à Shéhérazade un panier en lézard gris, sur mesure, tapissé d’un châle en cachemire rose. A cinq heures, il avait son biscuit à la cuiller dans une assiette en porcelaine de Chantilly. Elle nous faisait assister à ça quand nous étions enfants. Je me souviens encore de la lampe, une chouette en malachite avec un abat-jour vert d’eau et ce matou prétentieux qui grignotait en se chauffant le dos.”

Alice Macloux continua sur le même thème encore longtemps, sans que Vogel ne songe à l’interrompre tant il y avait de douleur dans ses déclarations. Quand la crise se calma, il finit par lui demander :
“Quels sont les rapports exacts de votre père avec M. Saunders ?”
Alice le regarda avec surprise.
“Ils s’estiment beaucoup, je pense. Mon père est un grand historien et M. Saunders aime l’histoire”.
“Mais le groupe ne s’occupe pas d’histoire particulièrement”.
“Et alors ? Mon père a écrit des ouvrages définitifs sur la guerre d’Indochine et M. Saunders l’encourageait. Mon père fait autorité en la matière, sachez-le ! Il a travaillé sur des archives qui font de lui le meilleur connaisseur de l’époque. Il n’y a rien qui se soit passé alors qu’il ne sache ou qu’il n’ait en fiches.”
“Vous voulez dire qu’il a des archives personnelles complètes sur la guerre d’Indochine, d’Algérie et la décolonisation ?”
“Certainement !”
“Et où garde-t-il tout cela ?”
“A la maison j’imagine. Dans son coffre-fort.”
“N’est-ce pas dangereux ? Quand on a vu les remous autour de l’affaire des piastres, on comprend que ce ne sont pas des sujets innocents.”

Elle le regarda avec surprise. Visiblement, elle n’avait jamais imaginé que ce qu’elle prenait pour un sujet d’étude comme un autre pouvait avoir une autre dimension.
“Vous croyez ? Il faudra que je lui en parle. Je suis sûre qu’il n’y a jamais pensé non plus.”
Vogel l’aida à remettre son manteau et la reconduisit à la porte, un peu moins certain de la candeur de Lannois.

Le lendemain matin, peu après son arrivée au bureau, il apprit que les analyses pratiquées à l’appartement de Lucile ne donnaient toujours rien. On n’avait pas relevé d’empreintes intéressantes où que ce soit. L’assassin portait des gants certainement et à part ça, il y avait un peu de terre dans la moquette, qui venait certainement des jardinières.
Vers midi, le téléphone sonna
“Allo ? Comment ? Lannois à l’hôpital ? Que s’est-il passé ?”
Quand il raccrocha, Vogel expliqua lugubrement à Beaudoin qu’à son retour d’une course dans le quartier, Alice Macloux s’était inquiétée de ne pas entendre son père et qu’elle l’avait trouvé inanimé dans son bureau. Le Samu était venu aussi vite que possible et il était à Cochin en réanimation.

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