26 Une maitresse chasse l’autre

25 mars 2011

A la grande joie de Laetitia, Beaudoin finit par articuler :
“Je croyais que c’était Lucile, la maitresse.”
Elle pouffa de rire derrière ses mains jointes. Il remarqua que ses paupières étaient maquillées de turquoise vif comme celles d’une poupée.
“C’est trop drôle ! Non justement ! Il a suffi qu’il l’épouse pour prendre une nouvelle maitresse. Vous n’êtes pas au courant ? J’aurais pensé que la police saurait déjà tout sur les fredaines de monsieur....”


“Comment le savez-vous ? Il vous l’a dit ?”
“Non, c’est Lucile qui l’a dit. Et pas à moi. Elle s’est effondrée en larmes dans les bras de je-ne-sais-qui parce qu’il la trompait. Elle l’a même fait suivre par un détective privé.”
Laetitia se régalait visiblement de l’étonnement de Beaudoin. Que ce vieillard aux fanons violets de dindon puisse courir le jupon alors qu’il avait enfin son ex-jeune maitresse tous les soirs dans son lit, le consternait.
“Alex pense que c’est bien dans sa nature de vieux cochon et je crois qu’elle a raison.”
“C’est un vieux cochon ?”

Elle prit un air de conspiratrice pour lui souffler :
“Quand il vous serre la main et que Lucile n’est pas là, il ne vous la rend pas. Il a la patte baladeuse, quoi ! Tout le monde le sait mais personne n’ose s’en plaindre. C’est un grand monsieur. Professionnellement. Ginette dit qu’un jour, elle lui mettra une claque. Cela m’étonnerait mais cela veut dire que même elle a eu droit aux hommages appuyés de Lannois.”

Elle se remit à rire.
“Vous savez comment Alex l’appelle ?”
Il fit signe que oui mais elle continua quand même, ravie de dire un gros mot :
“Loulou-les-belles-noix ! Mais l’histoire du détective privé, c’est à moi qu’on l’a raconté. Il y a eu un joli scandale parce qu’elle a fait mettre sur écoutes sa ligne téléphonique et qu’en dehors de la maitresse mystérieuse, elle a entendu des choses qu’elle n’aurait pas dû. Des amis à qui il se plaignait qu’elle le harcelait de questions et d’exigences, lui ont dit “les femmes comme elle, on ne les épouse pas”. Vous imaginez la tête de Lucile ! Mais c’est vrai. On ne les épouse pas.

C’était une cocotte dans la tradition du début de siècle, rien de plus. Une demi-mondaine qui essayait de se donner des airs de ce qu’elle imaginait être aristocratique, c’était franchement rigolo ! Un jour, elle nous a même sorti qu’en vrai, elle s’appelait de Larue ou de la Rue, je ne me souviens plus. Elle s’est même fait faire une chevalière. Mon mari m’a offert la mienne pour Noël, il y a deux ans et en quelques mois, Lucile et Ginette ont eu les leurs. Cela m’a écœurée parce que ma famille remonte au XIIIe siècle mais Alex était morte de rire. Elle m’a dit...”

Elle se mit à rougir, entre la gêne extrême et l’envie de sortit une autre horreur grâce à Alex.
“Oui ?”
“Vous savez si vous l’avez rencontrée, Alex n’est pas très conformiste. Je me suis toujours demandée comment elle pouvait travailler dans ce journal. Bref, elle a dit “si c’était chic de se mettre une plume dans le cul, elles le feraient”. Je n’approuve pas le style mais elle a raison.”

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