HOBBIES

Confitures : de sucre et d’amour

10 septembre 2010

Et si on mettait les beaux jours en pots ? Ces abricots gorgés de soleil ou ces mûres cueillies avec les enfants offriront une bulle d’été et de bonheur au cœur de l’hiver. À nous les confitures, conserves d’amour et d’amitié !

Derrière toute “confiturière”, on trouve une maison, de préférence celle d’une grand-mère qui, dans le sanctuaire de sa cuisine, se livrait à ce culte délicieux, à cette alchimie tendre, avec son cortège de paniers de fruits mûrs, de bassines de cuivre, de sirop, d’écume et de vapeur embaumée… Il y a des souvenirs de cueillette, des cahiers de recettes aux pages jaunies, des secrets de fabrication. “Moi, je fais toujours macérer, c’est la clef de toute réussite”, déclare Coco Jobard, journaliste et cuisinière qui traduit pour nous les secrets de Pierre Hermé. “Ma spécialité, c’est la confiture d’oranges amères, celle que ma grand-mère faisait à Roquebrune. J’ai retrouvé la recette qu’elle avait envoyée à ma mère”, raconte Sylvie. “Je fais la confiture de ma tante Hélène. Cela me rappelle le Maroc”, se souvient Hilde. Susie a décidé de faire de la confiture pour que ses enfants connaissent la douceur d’une maison qui sent la confiture. Elle a même réussi à transmettre à son fils aîné l’amour du cédrat qu’il avait trouvé si mauvais la première fois et aujourd’hui il l’appelle pour lui demander ses recettes… La confiture, c’est joyeux, c’est une tranche d’enfance, avec ce goût inégalable des tartines partagées avec des cousins ou des amis.

Petite leçon d’alchimie

À l’origine de cette création, le sucre, précieuse denrée rapportée par les Croisés, connue pour ses vertus médicinales. Dans Les Mille et Une Nuits, on offre fruits confits translucides et confitures au voyageur égaré. L’agrume fraîchement cueilli se transforme et se sublime au contact du sirop brûlant. Sa peau s’adoucit juste ce qu’il faut pour qu’amertume et suavité se mêlent étroitement… Dans le Romancero gitano, la nonne gitane de Federico Garcia Lorca évoque “cinq bigarrades confites comme les cinq plaies du Christ, cueillies à Almeria”. Rien n’est banal dans cette élaboration. Comme le dit Véronique Le Normand, on ne fait pas la confiture “comme ça”, “on entre en confiture”, c’est une sorte d’exercice zen car “si tu fais de la confiture en même temps qu’autre chose, tu la rates”. De Christine Ferber, la plus célèbre de toutes les confiturières, Coco explique : “Oui, elle prend du sucre et des fruits d’Alsace cueillis à maturité et cuits tout de suite, mais elle y met autre chose, une pensée d’amour !”

Philtres de gentilles sorcières

Chacune a son truc, sa recette qu’elle offre à qui elle aime. “La confiture, c’est la transmission, le partage”, selon Coco. Pour Hilde, les pots bien rangés symbolisent les valeurs familiales, le travail de la ménagère qui prépare ses jolies étiquettes. Catherine, elle, se donne un mal fou pour que “le plaisir des yeux arrive avant celui du palais” : “J’ai des pots anciens, mais n’en ayant jamais assez, j’essaye de trouver des pots qu’il me plairait de voir sur une table le matin au petit déj’ ou pour un goûter.” Ensuite, elle les remplit de gelée rosée, du coing auquel elle ajoute un brin de sauge comme le lui a conseillé Urs, son mari suisse, ou du sureau qu’elle filtre longuement, qui sent mauvais à la cuisson mais est délectable ensuite !

Véronique, en plus des exquises nouvelles de son dernier ouvrage [1] a écrit un livre de recettes qui est un hymne à l’amitié. On retrouve Herma et sa confiture de coings, Anita et sa noix de coco, Séverine et son orange au gingembre… on les imagine en train de déguster des toasts en s’échangeant leurs recettes, on les entend rire et on les voit se lécher les doigts.

La confiture, cela s’offre. C’est un petit cadeau chargé d’émotion et de douceur. Chacune y a mis le meilleur d’elle-même pour le donner. Sylvie, qui n’en mange même plus, continue à chercher ce goût légèrement caramélisé qu’obtenait sa grand-mère pour en faire profiter ses “copines de week-end”.

“La confiture n’est bonne que s’il faut monter sur une chaise pour attraper le pot dans le placard.” Alexandre Vialatte

Rebecca

Trucs et tours de main

La générosité est dans l’ADN des confiturières ! La preuve ? quelques uns de leurs tours de gentilles sorcières.

Coco la pro : « Jamais plus de deux kilos et tu fais macérer les fruits la veille. Tu cuis en une fois dans une bassine en cuivre, le meilleur conducteur de chaleur. »

Véronique, écrivain et gourmande comme le furent avant elle George Sand et Colette : pas puriste, elle donne des recettes au micro-onde, elle congèle ses fruits quand son jardin en donne trop d’un coup. Dans son livre, on trouve même une « confiture de griottes express pour paresseuses » avec des cerises surgelées !

Catherine : adepte des confitures à l’ancienne par macération -« deux fois 24h avec une première cuisson entre les deux » - elle ne met que peu de sucre, I kg de fruits pour même pas 500 gr de sucre… « Ma confiture d’abricot n’est pas maronnasse comme celle du commerce, tu tombes raide. La framboise, tu manges le fruit ! »

Sylvie, l’exclusive de l’orange amère : « Un litre d’eau, une orange amère et 500 gr de sucre. Tu coupes très fin, tu mets les pépins à part dans une gaze. Tu fais macérer 24 ou même 48h avant de cuire 30 à 45 mn les oranges et les pépins sans sucre. La pulpe s’écrase et c’est là que tu rajoutes de sucre pour cuire, 45mn environ. »

Quelques livres

Mes confitures, Christine Ferber, J’ai Lu

Le temps des confitures, Yolande Bouchard, Les éditions de l’Homme

Recettes de confiture, Vincent de Pommeraye, Editions Ouest-France

Et bien sûr :

La saison des confitures, de Véronique Le Normand, Albin Michel, 1997, réédité en poche sous le titre Confitures gourmandes

[1Si on rentrait, éditions Pierre Magnier

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