13 Encore un peu d’humiliation ?

23 février 2011

Ginette se tut, les lèvres serrées pour montrer qu’elle ne dirait rien de plus sur ses relations avec la morte. Elle ne s’autoriserait aucun commentaire personnel mais peut-être en dirait-elle plus de façon détournée.

“Comment s’entendait-elle avec les journalistes ?”
“Il y avait des hauts et des bas. Un jour, l’une était bonne à jeter. Le lendemain, c’était une autre. Elle se plaignait sans arrêt qu’elles écrivaient mal et qu’elle devait tout rewriter elle-même.”
“Rewriter ?”
“Réécrire. Ce qui était assez comique car son style était pitoyable.”
Elle étouffa un petit rire sardonique qui lui fit du bien. Puis elle ajouta un peu d’assaisonnement :
“Enfin, elle écrivait mieux que cette pauvre Marie Bouillot mais ce n’est pas difficile. Il n’y a qu’en orthographe que Lucile était imbattable, c’était la reine des accents. Elle avait l’entrainement avec les manuscrits de Louis Lannois : c’était elle qui faisait la relecture.”
“Comment les journalistes prenaient-elles ses sautes d’humeur ?”
“Très mal bien sûr, parce qu’une colère de Lucile voulait dire moins de papiers et moins d’argent à la fin du mois. Donc, elles ne disaient rien et étaient plus ou moins obligées de la flatter de temps en temps. Lucile raffolait de ça et plus elle les sentait humiliées et furieuses plus elle faisait durer l’épreuve.”

Il commençait à imaginer Lucle comme une gros potentat blond en jupe XXL, assise sur son coussin fleuri, faisant tourner ses bagues en buvant les compliments à petites gorgées.
“Toutes faisaient ça ?”
“Plus ou moins, sauf Alex. Elle n’était pas douée pour ça. C’en était comique d’ailleurs. Au mieux, elle ne venait pas au journal pendant quelques jours, le temps de se calmer.”
“Au pire ?”
“C’était des engueulades monstrueuses.”
“Et dernièrement ?”
“Et bien Alex ne pouvait plus la supporter. Elle voulait partir et très vite”.
“Pourquoi ne le faisait-elle pas ?”
“Elle voulait partir avec ses indemnités et pour ça, il fallait qu’elle soit licenciée officiellement.”
“Et ?”
“Lucile refusait. Elle ne voulait pas prendre cette responsabilité parce que cela aurait coûté cher au journal, pour un simple caprice de Lucile ! Elle préférait donc la laisser mijoter comme ça et diminuer petit à petit ses revenus. De plus, l’idée de la mater était devenue une sorte d’obsession chez elle.”
“Quelle ambiance !”
“ Epouvantable. J’aime beaucoup Alex mais, parfois, elle fout trop la merde. Elles ont eu une discussion et Lucile était comme folle. Elle hurlait “Vous avez entendu ce qu’elle m’a dit ?”. Mais Claudine et moi avions préféré nous mettre à l’abri et n’être les témoins de rien.”
_“ Pourquoi ?”
“Parce que Alex avait l’air déterminée à coincer Lucile.”
“Y est-elle parvenue ?”
“Je ne pense pas : elle n’a pas été licenciée.”
“Et depuis ?”
“Elle était bizarrement calme. Elle est revenue dès le lendemain et Lucile a eu droit à un “Bonjour Lucile” inattendu, enjoué, comme si rien ne s’était passé. Cela ne lui ressemblait pas du tout. Alors on a toutes pensé qu’elle avait de gros ennuis d’argent et qu’elle finissait par faire comme les autres. C’était aussi l’avis de Lucile.”

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