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Remembrance

10 janvier 2015

On va essayer d’éviter le "on vous l’avait bien dit, ma bonne dame" mais les commentaires qui s’enchaînent après l’attentat contre Charlie Hebdo rappelle une anecdote que nous allons vous narrer.

Nous sommes en automne 2006 et je suis chargée de faire une enquête sur l’islam dans les prisons par la rédaction du Girafon-Magazine où je suis "grand reporter". Le patron à l’époque est un gros paresseux plus intéressé par les cadeaux qu’il peut se faire offrir que par son travail. Il remplace le fou mais assez génial Maçon- Carré qui était un vrai journaliste, lui, et qui m’avait engagée.

Education religieuse

L’enquête est longue car je veux être juste et ne pas me laisser avaler toute crue par cette rédaction toujours à la limite de toutes les vilaines phobies qui hantent la droite française. Je rencontre ainsi des prisonniers, des aumôniers, dont une "aumonière" musulmane formidable (hein Saliha ?), des formateurs, des responsables du ministère de la Justice, le recteur Boubakeur aussi. De ces multiples RV et de ces semaines d’enquête, je reviens avec un "papier" qui me plait bien, et pas seulement à moi [1]. Il semble urgent à tous ces intervenants de former la jeunesse musulmane à sa religion et de la sortir des parkings au troisième sous-sol où elle est cantonnée. Il faut former des formateurs qui ne soient pas ces imams auto-proclamés et violemment djihadistes que les jeunes croisent en prison pour un vol de mobylette et qui les font ressortir potentiellement dangereux.

Les mots justes

Je rends mon papier et un rédacteur-en-chef me reproche de faire du gentil, de l’apaisant. Oui, je suis une femme aussi dans ce temple suintant de testostérone. Pour muscler mon propos, il ajoute dans le chapô une allusion inepte à un fait divers sans rapport : un fou anthropophage qui a dévoré le foie de son co-détenu. Nono, mon petit, je t’ai proposé de signer mon papier à ma place, t’en souviens-tu ?
Bref, Nono a renoncé à son imbécilité et le papier est sorti tel quel. J’ai eu beaucoup de remerciements et de félicitations, en particulier de l’équipe qui s’occupait à l’époque de la police et de la justice. L’un est connu pour ses apparitions dans les émissions d’Hondelatte, l’autre, l’Arabe de service, est passé au Point, et je les estimais, et les estime toujours beaucoup.

La haine brute

Et puis voilà. Le temps a passé et un nouveau directeur a été nommé pour remplacer notre gros feignant mâcheur de gomme. Il était plus jeune, plus mince, on ne parlait pas de Franc-Maçonnerie à son propos et il avait l’air travailleur. Comme à l’époque, j’étais presque toujours en reportage, j’ai raté ma présentation officielle au nouveau chef et je suis allée le voir tout naturellement à mon retour de Patagonie.
Je dis en deux mots qui je suis, et surtout ce que je peux faire, c’est-à-dire travailler plus dans des secteurs très variés. Comme il me regarde d’un air normalement intéressé, je lui parle de certains papiers dont je suis fière et, très naturellement, car je suis une gourde, je lui mentionne l’islam dans les prisons. Hélàs, je ne connaissais pas la série Lie to me et les micro-expressions qui trahissent sinon j’aurai repéré immédiatement les buccinateurs en folie, les narines qui se dilatent, l’orbiculaire qui pince la bouche et le regard de tueur !

La fin d’une collaboration

Mon destin au Girafon-Magazine a été scellé à cet instant. Axel Dreux venait de Malheurs-Actuels et je représentais tout ce qu’il détestait, méprisait, craignait au plus profond de son vilain petit cœur chagrin. Il a posé mon cercueil sur tréteaux et tout ce que j’ai écrit, ou pas, dit ou pas, proposé ou pas, s’est transformé en clou pour que je ne puisse m’échapper. En 2009, je me retrouvai sur le trottoir avec ma trousse et mes crayons.

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