SOCIETE

France, pays d’exception(s)

8 novembre 2014

La France est un pays qui ne se contente pas d’être exceptionnel, il cultive aussi les exceptions comme d’autres les orchidées rares. La preuve.

C’est tout le miracle de la culture française, faire cohabiter ce rationalisme dont nous sommes si fiers et un remarquable esprit de finesse. Le premier s’incarne dans Descartes et nous différencie de la foldinguerie britannique et le second nous sépare des Allemands, efficaces mais un peu gourds. Nous avons l’élan et le panache, l’improvisation et la profondeur. Que c’est bon de cultiver l(es)’exception(s) !

Comme l’Ukraine

Les exemples ne manquent pas. Le premier qui vient à l’esprit est ce que nous pourrions appeler le “miracle de Tchernobyl”, comme si notre excellence nous donnait un pouvoir sur les éléments. L’Europe se glace de terreur et nous sourions benoitement car le nuage freine dans un crissement de particules et reste sur l’Allemagne. C’est d’ailleurs le même phénomène qui a sauvé Kiev et les défilés d’enfants qui ont été organisés ces jours-là pour rassurer la population ukrainienne : le vent a changé de sens.

Au dessus des lois

Autre exemple flagrant de différence avec les autres pays qui ne connaissent pas l’exception et sont assujettis à la règle commune : le fonctionnement de l’Etat. En France les lois les plus subtiles régissent tout, dans le moindre détail : il n’y a qu’à se poser le Code du Travail sur une balance pour comprendre ce qu’il faut de courage et de ténacité pour s’y retrouver. Pas l’Etat. L’Etat s’en fout. L’Etat est au-dessus de tout ça et surtout du Code du Travail qu’il ne respecte absolument pas.

Peuple corse ?

Cela va jusqu’à nier des évidences. On se souvient de Jean-Pierre Chevènement et de son “il n’y a pas plus de peuple corse que de peuple belfortin”. Nous aimons beaucoup ce monsieur revenu des morts qui, avant même d’avoir cette excuse pour expliquer son léger grain, appelait son second fils Raphaël Akhenaton. Mais Le Monde comme il va qui n’a aucune légitimité sur le territoire corse se demande quand même s’il n’y a pas un “peuple corse”. Cela ferait presque rire, si ce sens de l’exception ne s’appliquait à des peuples beaucoup moins pugnaces que les Corses.

Citoyens français

Les Indiens de Guyane par exemple n’ont pas droit au titre de peuple autochtone, bien qu’ils le soient sans aucun doute possible. C’est qu’en fait la république est si généreuse qu’elle les accueille dans ses bras câlins et leur offre le Graal absolu, la citoyenneté française. C’est ainsi que ces Wayana du Haut-Maroni et les Wayapi du Haut-Orénoque sont sédentarisés et obligatoirement scolarisés par un jeune instituteur du Poitou ou de Franche-Comté. Curieusement, loin d’en tirer le profit espéré, les jeunes deviennent alcooliques, obèses et chômeurs, dans l’ordre que vous voulez. Mais leur langue est classée “langue régionale européenne” et la commune de Maripasoula est la plus grande commune française, de taille comparable à la Basse-Normandie (18 360 km2, plus de deux fois la Corse !) avec 9 500 habitants.

Double langage

Pourtant on dirait bien que ces bizarres exceptions qui font que notre beau pays des Droits de l’homme qui défend toujours les pauvres et les opprimés, a un double langage. En effet, la France a signé la Déclaration de l’ONU sur les peuples autochtones en 2008 mais a souligné qu’elle ne s’appliquait pas au territoire français ! Mais même au sein de cette exception classique du genre “c’est bon pour les autres mais pas pour moi”, on trouve d’autres exceptions qui tiennent au tempérament des protagonistes.

La loi du plus fort

Les autorités coutumières canaques, par exemple, sont reconnues par la république. Ils ont toute latitude de garder leur identité alors que les Indiens de Guyane sont des occupants juste “tolérés”, quasi illégaux dans les forêts domaniales de leurs ancêtres. Les évènements d’Ouvéa sont passés par là ?
Mauvais caractère encore ? En Polynésie française, Maiao, l’île satellite de Moorea, est auto-gouvernée par ses habitants et si réfractaire au tourisme qu’aucune liaison n’est assurée et que tout étranger à l’île ne peut y rester plus de 24h.
Serait-ce une prime à la détermination ? Selon que vous serez pacifique et soumis ou rétif et menaçant, règles et exceptions s’appliqueront ou non. Quelque chose qui ressemble beaucoup au bon vieux droit du plus fort honni par le pays des Droits de l’homme.

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