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Où va le Mali ?
28 octobre 2012
Pour la première fois, tous les acteurs politiques sont d’accord : il faut s’occuper du Sahel qui devient une menace pour l’Europe. On s’agite, on nomme des envoyés spéciaux et des représentants extraordinaires mais où va-t-on ?
Le 9 octobre, l’ONU a nommé Romano Prodi, ancien président de la Commission européenne, émissaire pour le Sahel. Les Britanniques qui ne s’étaient jamais préoccupés de cette partie de l’Afrique, ont nommé un représentant spécial pour le Sahel, un député du nom Stephen O’Brien et Laurent Fabius a tiré le premier en nommant le 25 juin, son propre représentant spécial, l’ambassadeur Jean Félix-Paganon, qui était en poste au Caire au moment du renversement de Moubarak. A l’idée que les islamistes du monde entier se retrouvent tous à Tombouctou, le Conseil de Sécurité de l’ONU est uni alors qu’il ne l’est pas sur la Syrie. Il a adopté à l’unanimité le 15 octobre la résolution 2071 présentée par la France qui souligne l’urgence de la menace terroriste au nord Mali et appelle à engager un dialogue politique avec les rebelles. Elle donne 45 jours à la CEDAO [1] et à l’Union Africaine pour présenter un plan d’intervention militaire crédible et demande à Romano Prodi d’élaborer une solution globale à la crise malienne dans le cadre d’une stratégie de l’ONU pour le Sahel.
Une crise humanitaire
En clair, tout le monde se mobilise sans savoir réellement pour quoi. Les Américains et les Français n’ont pas la même vision : les premiers insistent sur l’urgence du retour à la démocratie à Bamako et les seconds sur l’urgence d’une intervention militaire dans le nord en invoquant notamment la souffrance des populations soumises aux petits groupes islamistes armés qui terrorisent ceux qui n’ont pas fui la région. En effet, la crise politique se double d’une crise humanitaire car plusieurs centaines de milliers de réfugiés ou de « déplacés » ont quitté le nord depuis plusieurs mois. Ils sont particulièrement nombreux dans deux pays, la Mauritanie à l’ouest et le Niger à l’est.
La plupart des spécialistes de la région insistent sur l’irréalisme d’une intervention armée qui aurait pour fer de lance une armée malienne en pleine crise – elle a subi une déroute militaire avant de faire un coup d’état en mars-, et une force de stabilisation de la CEDAO constituée d’éléments hétéroclites dont la valeur militaire n’est pas prouvée dans le désert. Il s’agit en effet de reconquérir la partie saharienne du Mali où se trouvent les otages français en ce moment et qui est très difficile à contrôler et même à observer malgré drones et satellites. Il existe d’ailleurs à Tamanrasset, en Algérie, un centre régional anti-terroriste, le CEMOC qui n’a rien fait depuis sa création.
La faute à qui ?
Les responsabilités de cette situation invraisemblable, puisqu’il ne s’agit que d’une quantité limitée de groupes terroristes plus ou loin liés à des trafiquants de cigarettes et de drogue, sont partagées.
George W. Bush avait lancé il y a dix ans, en novembre 2002, la « Pan-Sahel Initiative » censée faire la guerre aux terroristes dans la région en appuyant les gouvernements du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad.
La Coopération Française ne s’est jamais intéressée au nord saharien où vivent des populations minoritaires et celles-ci n’ont donc le choix qu’entre les trafics divers (drogue, êtres humains…) et l’insurrection armée parfois difficile à distinguer du banditisme. Le renversement du régime de Kadhafi a été le tournant qui a ouvert une sorte de nouvel Irak aux portes du désert où se sont retrouvés des soldats et des armes qui avaient quitté la côte libyenne. A la suite de la mort de son père, Saadi Kadhafi s’est d’ailleurs réfugié au Niger qui refuse de l’extrader vers la Libye où on aimerait le juger pour sa conduite à la tête de la Fédération Nationale du Football !
Trafics lucratifs
Aujourd’hui, Gao au Mali et Agadès au Niger sont classés parmi les principales plaques tournantes du trafic d’armes en Afrique de l’ouest, avec les massifs montagneux du Sahara (Aïr, Hoggar et Tibesti) et aussi du trafic de cocaïne qui s’est énormément développé depuis dix ans. Le marché de cocaïne en Afrique de l’ouest représenterait environ $800 millions localement [2], soit le budget de certains états de la région, et la consommation est en hausse elle aussi (entre 1,5 et 4,5 millions de consommateurs en Afrique de l’ouest).
Que faire alors pour sauver ce Mali qui, jusqu’à il y a six mois était le parangon de toutes les vertus démocratiques et qui fait dire aujourd’hui à un responsable politique américain : « Mali is a broken state » ? Tout le monde a conscience du problème et fait des commentaires avisés, mais personne ne sait comment agir concrètement avec efficacité.
Voir à ce sujet : http://www.lemondecommeilva.com/l-uranium-au-niger-2,344
http://www.lemondecommeilva.com/Mali-la-descente-aux-Enfers
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