La couronne de la Shahbanou

22 octobre 2012

A 10 ans d’intervalle, dans la deuxième moitié du XX e siècle, deux hommes d’état ont cru pertinent de se faire couronner empereur. Le premier, Mohammad Reza Pahlavi, s’est pris pour un descendant du grand Cyrus et s’est fait couronner en 1967 pour faire oublier le coup d’état de son père. En 1977, le second, Jean-Bedel Bokassa, a voulu remplacer le Negus Ras Tafari récemment décédé, comme seul empereur du continent africain. Les fêtes ont été différentes dans la mesure où Mohammad Reza Pahlavi a réussi à se faire admettre par le cercle très select des têtes couronnées occidentales —peut-être son statut de protégé des Etats-Unis dans un pays frontalier avec l’URSS y est-il pour quelque chose. Toujours est-il que rois et reines endiamantées se sont précipitées à ces célébrations d’un autre âge alors que personne n’est venu pour le couronnement de Bokassa, pas même le président Valéry Giscard d’Estaing qui n’a envoyé que son ministre de la Coopération, Robert Galley.

Cyrus me voici !

La magnificence du couronnement iranien reste sans égal et, à l’époque, les journaux ont détaillé complaisamment le luxe inouï des parures du Shah et de la Shahbanou. La couronne de Mohammed Reza Pahlavi est celle qu’a fait réaliser son père en 1926 : haute de presque 30 cm et pesant 2 kg, elle est en or, argent et velours rouge brodé de 3 380 diamants, 369 perles et cinq grosses émeraudes. A son côté, il porte une épée scintillante de 3000 pierres précieuses !
La couronne de l’impératrice Farah est une création de la maison Van Cleef & Arpels même si les pierres viennent du trésor iranien : or blanc et velours vert pour une merveille éblouissante de 38 émeraudes, 105 perles, 34 rubis, 2 spinelles et 1 469 diamants. Elle porte un collier assorti en émeraudes, diamants jaunes et perles et sa cape de 15m de long est décorée elle aussi de diamants, rubis, émeraudes et perles.

Napoléon me voici !

En comparaison, le président centrafricain fait figure d’amateur mais il ne faut pas oublier que son pays est l’un des plus pauvres au monde. Le 4 décembre 1977, Jean-Bedel Bokassa prend le titre de "Bokassa Ier". 5000 personnes sont invitées à la fastueuse cérémonie qui se déroule au Palais des Sport, suivie d’une messe à la cathédrale de Bangui. Largement inspiré de son modèle Napoléon 1er, il porte une couronne de laurier en or et une longue tunique frangée d’or, rebrodée de dizaines de milliers de perles d’or, avec les escarpins assortis, plus un manteau de velours cramoisi de 9 mètres, brodé d’or et bordé d’hermine. Le coût total de ses effets a été évalué à $145 000. La couronne seule valait $ 2,5 millions. Si l’on ajoute la couronne de l’impératrice, l’épée, le sceptre impérial et d’autres parures, on atteint environ $ 5 millions en joaillerie sans compter son bâton de maréchal constellé de diamants.
La facture totale du couronnement avec le trône en forme d’aigle napoléonienne géante, les voitures, les bijoux, les alcools, s’élevait à $ 22 millions, soit un quart du budget annuel du pays. La France aurait réglé l’essentiel des dépenses avec le secteur privé local. Bokassa avait invité ses deux « collègues » empereurs, Hiro-Hito du Japon et Shah Reza Pahlavi d’Iran qui déclinèrent l’invitation, comme tous les autres souverains et chefs d’état, sauf le prince Emmanuel du Liechtenstein et le Premier ministre de Maurice. Quand il apprit que ses vieux amis Bongo, Mobutu et Idi Amin ne viendraient pas, il déclara : « Ils sont jaloux parce que j’ai un empire et pas eux ».

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