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80 Puits d’amour (suite)
24 août 2011
Il se gara en double file, courut dans la boutique et en acheta deux. À travers la vitrine, il remarqua qu’elle souriait paisiblement en l’attendant. Il posa le paquet soigneusement ficelé sur ses genoux et démarra. Elle entreprit de s’attaquer au ruban pendant qu’il cherchait une place près de son immeuble. On aurait dit qu’elle faisait ça tous les après-midi.
Quand il eut arrêté sa voiture, elle descendit l’air préoccupé comme si les puits d’amour lui avaient vraiment donné du fil à retordre.
“J’espère que tu as des ciseaux chez toi, mes ongles sont trop courts.”
“Je croyais que quand on travaillait sur papier glacé, on avait obligatoirement des ongles immenses et laqués.”
“Quand on les lit peut-être mais pas quand on y travaille. Déjà que je ne suis pas une virtuose de l’ordinateur mais si en plus j’avais les ongles longs !”
Dans la cage d’escalier régnait une forte odeur de poisson et il eut honte brutalement de ne pas l’inviter dans un endroit chic. Sans avoir l’air de remarquer, elle demanda :
“Tu es à quel étage ?”
“Au dernier. On prend l’ascenseur sauf si vous voulez brûler les calories du puits d’amour par avance.”
Il se sentit totalement ridicule de l’avoir vouvoyée alors qu’elle était spontanément passée au "tu". Dans l’ascenseur, elle planta son regard droit dans le sien avec ce sourire si particulier qui la caractérisait, un mélange de fraîcheur et de décision. Il posa sa main sur sa nuque, l’attira vers lui et elle se laissa aller contre sa poitrine avec un petit soupir d’aise comme si elle n’attendait que cela depuis qu’elle était montée dans sa voiture. Il l’embrassa légèrement, craignant de l’effaroucher, mais sa réaction ne fut pas celle de la crainte, au contraire, et quand ils arrivèrent au sixième, ils étaient aussi essoufflés que s’ils avaient grimpé à pied.
Il la plaqua contre la porte à peine refermée, commença à la caresser et presqu’aussitôt elle se dégagea. Elle souriait carrément quand elle lui demanda où était la chambre. Il lui désigna une porte du menton et elle se mit à se déshabiller tranquillement dans le couloir, laissant tomber ses vêtements sur le chemin qui la menait au lit. Ce fut d’abord la pelisse qui glissa au sol, les chaussures qu’elle sema avec désinvolture et avant qu’il ait eu le temps de dire un mot, elle le fixait d’un air gourmand, allongée et totalement nue sur les draps qu’elle avait écartés. C’était la première fois qu’il se trouvait dans cette situation, les vêtements un peu en bataille, mais habillé, devant une femme qu’il voyait nue pour la première fois.
Elle avait le corps d’une blancheur étonnante et il se demanda si c’était parce qu’il avait toujours eu des aventures aux beaux jours que cette pâleur le frappait ou si cette femme était vraiment spéciale. Il la toucha du bout des doigts, dessinant des cercles sur sa peau, soulignant des courbes, comme indécis devant ce cadeau inespéré. On aurait dit deux animaux qui cherchent à s’apprivoiser, craignant autant la témérité qui effarouche que la timidité qui paralyse.
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