50 Amour ou ambition ?

22 mai 2011

“Vous auriez pu faire venir des secours, non ?”
“Mais je vous dis que Consuelo était là. Qu’est-ce qu’elle aurait raconté à tout le monde ! Surtout que la fille de Louis n’était pas loin...”
“Vous auriez pu téléphoner au Samu d’une cabine.”
“Je n’ai pas de carte.”
“D’un café ?” continua-t-il implacable.

Elle hoqueta :
“Mais je ne pouvais pas. Vous ne vous rendez pas compte de l’effet que cela fait de voir un homme mourir. Je n’étais pas préparée à cela du tout. Je fais ce que je peux pour qu’il soit bien et il tombe. J’ai voulu mettre ses papiers à l’abri, c’est tout.”
“Alors pourquoi êtes vous venue aujourd’hui ?”
Elle se tassa encore plus, accablée par ce destin tellement injuste qui l’avait écarté d’un poste de sous-chef de service avec sous-fesse fleuri et photo de son chat.
“De toute façon, j’ai pensé que vous alliez me retrouver. C’était forcé alors j’ai préféré ne pas rester à attendre. Et puis ce dossier me fait peur, je veux m’en débarrasser. Je n’arrive pas à savoir si Louis va mourir ou non. A l’hôpital, ils ne veulent pas me répondre parce que je ne suis pas de la famille.”

Il était difficile de savoir si elle était peinée d’être traitée comme une étrangère ou si elle se faisait du souci pour l’académicien. Vogel préféra croire la seconde solution et la rassura autant qu’il le pouvait.
“Il se remettra sans doute.”
Elle se redressa encore trop incrédule pour être totalement soulagée.
“Vous devriez aller faire un tour dans cette salle de bain, je n’ai jamais vu autant de médicaments sans compter les crèmes, les laits pour le corps, les granulés, les trucs de régime.”
“Pensez-vous que vous auriez pu vous tromper de gélule ?” finit par interroger Vogel.
Elle lui jeta un regard reconnaissant d’avoir deviné son angoisse.
“Bien sûr, c’est même ça qui me rend malade. Il était en train de suffoquer et j’avais devant moi une pharmacie complète avec des plaquettes de cachets sans boite, vert clair, vert foncé, bleu-vert. C’était une malade, cette femme, de la tête je veux dire.”

Quand elle fut partie, Vogel décrocha son téléphone pour demander qu’un spécialiste aille se pencher sur l’armoire à pharmacie des Lannois, en fasse l’inventaire et parte à la recherche de gélule verte et blanche.
“Tu crois que c’est la vengeance posthume de Lucile qui remplace les cachets pour le cœur par des pastilles pour la toux. Ou tout juste un accident dû à l’affolement de cette gamine.”
Il fit une pause avant d’ajouter :
“Comment expliques-tu qu’une fille aussi jeune puisse s’envoyer ce vieux machin ? Cela me donne la nausée.”
“L’ambition”, répondit Beaudoin. “La griserie d’avoir son nom imprimé. Le pouvoir. J’ai l’impression qu’elles sont toutes prêtes à se prostituer.”
“Toutes ? Je croyais qu’il y avait une pure, un diamant blanc-bleu dans le lot ?”
“Jusqu’ici, nous n’avons rien à reprocher à Alex Lombard, avoue-le. Hormis une insolence inconnue entre Sarreguemines et Besançon. Ses explications nous ont plutôt débroussaillé le terrain.”
“Ombrageux ? Attention à ne pas tomber amoureux. Avec les nausées dûes à la vue des cadavres, c’est le deuxième écueil de la profession,” répliqua Vogel ravi de se moquer de son inspecteur.

Puis, il ouvrit le dossier à la première page où Lannois avait calligraphié avec application "Saunders, Indochine". C’était des photocopies et des originaux, des clichés un peu passés où l’on reconnaissait Saunders avec Bao-Daï et Sihanouk.

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