SANTE

Naître à la "maison" ?

14 février 2014

On a vu passer l’info rapidement et le Comité de Défense de la Gynécologie Médicale (CDGM) alerte : une loi [1] permet de créer des "maisons de naissance" où des sages-femmes réalisent l’accouchement des femmes dont elles ont suivi la grossesse. Qu’est-ce que c’est ? Qu’en penser ?

A première vue, cela pourrait sembler une bonne idée de sortir la grossesse de la médicalisation à outrance. Répétons-le : la grossesse n’est pas une maladie et l’accouchement est tout à fait naturel, inutile donc de sortir l’artillerie lourde pour ce que nos ancêtres ont pratiqué depuis l’aube des temps...etc, etc. Nous avons toutes eu droit à ces commentaires, surtout de la part de ceux et celles qui n’ont jamais accouché. Si nous avons de la chance, l’irréfutable touche exotique arrive : "En Afrique, elles font ça derrière un baobab et repartent au champ juste après". Ne vous plaignez pas les filles, c’est facile !

C’est quoi ?

Une maison de naissance n’est pas un établissement de santé, c’est une "association" [2]. Un endroit où des sages-femmes libérales pratiquent l’accouchement comme à la maison, ce qui répond en effet à une demande, mais une demande très minoritaire si l’on en croit le rapport de la Cour des Comptes, pourtant favorable à cette expérimentation.

Pour qui ?

Comme pour l’accouchement à domicile, la maison de naissance ( (pas de médecin, et donc pas de possibilité de péridurale) ne reçoit que les grossesses dites "physiologiques", à bas risque, ce qui ne signifie pas "pas de risque du tout". Il y a toujours les impondérables que sont les problèmes de dilatation du col, de retard à l’expulsion de l’enfant, de souffrances fœtales, de déchirure du périnée, d’hémorragie de la délivrance. D’après ce que l’on sait, un tiers des accouchements comme à la maison se finissent dans un service de maternité et il faut donc que les maisons de naissances soient contiguës à une maternité. Mais c’est quoi la "contiguïté" ? Dans le pâté de maison ? A portée d’ambulance ? Dans la département ?

Sans risque ?

Comme c’est joliment dit par la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée :"les maisons de naissance […] n’offrent pas de capacité de séjour". On rentre à la maison tout de suite avec son bébé (au bout de 12 heures) et on vit sa vie. Il y a des risques ? Ah bon... [3]
Alors bien sûr, ce n’est qu’une "expérimentation" mais nous savons que ce mot annonce parfois des remises en cause de certains acquis de santé primordiaux. Ce serait aussi offrir une liberté de choix aux femmes qui souhaitent accoucher comme à la maison. Ecoutons un parlementaire : à 3000 € l’accouchement hospitalier contre 600 € en maison de naissance, cela coûterait au bas mot chaque année 30 millions d’euros de moins....Alors ne ne serait-ce pas surtout une manière de faire des économies en bradant quelque peu la santé des femmes et celle de leurs bébés ?

Illustrations Cécile Adam-Gaulme

Pour suivre l’action du CDGM : www.cdgm.org

[1Loi du 6 décembre 2013

[2Ou une "société d’exercice libéral" ou une "société civile de moyen"

[3Le suivi immédiat de l’enfant nouveau-né, y compris après une grossesse considérée comme a priori normale, est généralement considéré comme un aspect particulièrement délicat de la protection maternelle et infantile, de la prévention périnatale et de la prise en charge pédiatrique. Il mobilise l’expérience des praticiens, face à des notions d’évaluation de risque, des signes ou symptômes avant-coureurs discrets, et à la difficulté de leur interprétation. Il s’agit en particulier du risque d’infection néonatale retardée, de décompensation d’anomalies constitutionnelles telles que l’hyperplasie congénitale des surrénales, de la détection de certaines cardiopathies congénitales en l’absence de diagnostic prénatal, du risque d’hyperbilirubinémie secondaire. Chacune de ces anomalies peut produire des conséquences responsables d’un handicap la vie durant. Si la fréquence de ces cas est faible, leur importance au titre individuel est évidente.

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