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Mali : la descente aux Enfers

2 mai 2012

Quelle tristesse de voir le Mali et les Maliens embarqués dans une crise grave dont on ne sait comment elle se résoudra ! Jusqu’alors pacifique, le Mali se déchire et aujourd’hui Human Right Watch accuse.

Tout a commencé par une rébellion comme il y en a de temps en temps dans le Nord du pays avec cette différence que cette fois les rebelles étaient bien armés : beaucoup d’entre eux ayant servi dans l’armée de Kadhafi ont rapporté toutes sortes d’armes, y compris des orgues de Staline ! Le 17 janvier, ils ont attaqué l’armée malienne stationnée dans des garnisons au Sahara et l’ont battue. D’où le coup d’état à Bamako du 22 mars. Les rebelles ont continué leur avancée et, pour la première fois, sont arrivés à Gao et Tombouctou. Les capitales des trois régions du Nord, Kidal, Tombouctou et Gao, sont tombées aux mains des rebelles les 30, 31 mars et 1er avril ; depuis l’ensemble du Nord est entièrement contrôlé par des rebelles, alliés ou non à AQMI.

Indépendance ou pas

Durant sa mission de dix jours à Bamako en avril, Corine Dufka, enquêtrice pour Human Right Watch, a recueilli les témoignages de ceux qui ont fui le Nord. Il faut savoir qu’outre AQMI, venu d’Algérie et que le Mali a laissé prospérer sur son territoire, il existe trois mouvements rebelles distincts : le MNLA, Mouvement pour la Libération de l’Azawad, un groupe Touareg qui veut l’indépendance du Nord Mali ; Ansar Dine [1], mouvement fondamentaliste distinct d’AQMI, crée par un Touareg, Iyad Ag Ghaly, ancien de la grande rébellion de 1990. Attaché à la défense des intérêts Touaregs à l’origine, il est devenu diplomate à Djeddah et aurait récemment servi d’intermédiaire pour faire libérer les otages français au Niger. C’est l’univers de Katiba [2] avec des histoires de drogue et de barbouzes ! Il ne cherche pas l’indépendance, lutte aujourd’hui pour une société malienne musulmane et défend la charia après une jeunesse qui évoque plus DSK qu’un pieux salafiste !
Le troisième mouvement a été formé à Tombouctou par des milices locales arabes : il s’agit du FLNA, Front de Libération Nationale de l’Azawad, opposé au MNLA.

Une composante ethnique

Les rebelles du Nord sont accusés de viols multiples et de pillages, sans que l’on sache réellement qui fait quoi, mais les témoignages s’accordent pour dire que tout le monde met à sac les magasins et même les hôpitaux pour les médicaments.

A Tombouctou, l’institut où les fameux manuscrits anciens étaient gardés a été dévalisé lui aussi. Pourtant, il semble qu’Ansar Dine aurait essayé de mettre de l’ordre à Tombouctou . Le mouvement se veut responsable, fait des patrouilles et auraient installé des hot-lines. Mais on parle de deux hommes exécutés à Gao et d’un membre du MNLA qui aurait eu la main coupée. Il est également question de traque de buveurs d’alcool et de chasse aux chrétiens…

Même si l’on considère que ces témoignages sont le reflet des peurs d’un groupe ethnique, il est indéniable que la tension monte : depuis début avril, les soldats font descendre des bus les gens qui ont la peau claire, Touaregs, Arabes et Maures et il est devenu impossible pour les Touaregs de vivre à Bamako. Ils partent se réfugier en Mauritanie seul pays où ils sont en sécurité.
Cette coupure entre « Blancs » et « Noirs » rappelle fâcheusement ce qui s’est passé au Rwanda entre Hutu et Tutsi et s’il est sûr que l’armée malienne n’est pas en mesure de reconquérir le Nord, on peut imaginer que la force de 3000 hommes que la CEDEAO [3] veut envoyer au Mali n’y parviendra pas non plus. En effet comment croire que des soldats togolais fussent-il aguerris puissent suivre ces habitants du désert qui vivent de trois dattes et d’un verre de thé ?

[1Défenseur de la Foi

[2roman de Jean-Christophe Rufin

[3Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest

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