Les USA c’est ça

Brooklyn by the sea

6 novembre 2016

Certains se souviennent de la chanson de Mort Shuman, Brooklyn by the sea, une jolie complainte parlant de “longues planches malades”, de “vieillards assis” et de “mer Noire en petit”. Brighton Beach est bien là, cocktail nostalgique de vieille Europe à un jet de pierre de Manhattan.

A la sortie du métro, plongeon dans Little Odessa avec ses boutiques d’alimentation pour ogres d’Asie Centrale, cornichons surdimensionnés, charcuteries indescriptibles et pâtisseries indéchiffrables.

Un air de Kiev

Assises sur des pliants, des petites mémés à fichu proposent les mêmes châles crochetés que celles de Kiev. Elles ont l’air aussi pauvres, les dents aussi pourries et les mains aussi crevassées par les rigueurs de l’hiver que leurs cousines ukrainiennes. Mais ici pas d’églises à iconostases ruisselant d’or, pas de dômes en forme de bulbes brillant au soleil d’hiver, pas d’extravagante statue de la Mère-Patrie, la Rodina Mat dominant la ville de ses 62 mètres d’acier inoxydable, juste la ligne aérienne, les rues à l’odeur de paprika et de fumée et enfin le bord de mer.

Coney Island

Il faut arpenter ces planches de bois, la promenade Riegelmann longue de 5 km d’où regarder les nuages, l’horizon, des immeubles désespérément laids et le parc d’attraction Coney Island désert à cette époque de l’année. Rien n’est vraiment beau ici : la mer n’a rien d’un lagon du Pacifique, les promeneurs sont le plus souvent des vieilles personnes accrochées au bras d’un moins âgé ou agrippées au déambulateur, des vieilles personnes recroquevillées sur une chaise dans une encoignure de mur pour éviter le vent qui balaie la côte. On est plus dans un défilé de mode hiver avec une collection de fourrures râpées sentant la naphtaline qu’à Malibu avec des pin-ups en bikini.

Choucroute technicolor

Pourtant Brighton Beach dégage un charme puissant et un bon endroit pour le déguster est le restaurant Tatiana, une sorte de cantine sous tente de plastique, une terrasse où déguster le bortch, “Czar des soupes”, arrosé du “home made Russian kvas” ou de bière Baltika. La serveuse sort d’une BD d’Enki Bilal avec sa super structure de cheveux à la couleur improbable, une vraie choucroute comme on n’en voit plus que sur Lady Gaga depuis qu’Amy Winehouse est morte, des ongles comme des griffes laquées de rose pâle et un maquillage des yeux digne d’une prima ballerina dans Le Lac des Cygnes… Pour rappeler la culture européenne, le plafond est peint d’un ciel digne de Tiepolo avec des nuages rosés-dorés, magnifique. Il semble que certains soirs, l’ambiance se fasse torride avec des danseuses déshabillées-emplumées, coiffées de kokochnik de paillettes, à mi-chemin entre la famille impériale russe et Carmen Miranda surmontée de couronne en ananas.

Poupées gonflées

Et puis Brighton Beach ce sont aussi les richissimes mafieux à l’air “patibulaire mais presque” avec leur cheptel de filles à la bouche et aux seins gonflés à tout ce que la chimie peut trouver pour les rendre plus… désirables ? Vendables ? Pour que tout soit assorti chez ces poupées gonflées, elles portent des stiletto tueurs et des bijoux énormes qui semblent clignoter à leurs poignets et leurs doigts et d’un coup le charme s’envole.

Bookmark and Share flux RSS


form pet message commentaire
Qui êtes-vous ?